Un ouvrier meurt sur un chantier à Bordeaux

La société P. Gilbert avait embauché un jeune ouvrier, Steven, qui est mort sur un chantier, le 17 septembre dernier. La police n’est pas intervenue, il n’y a pas eu d’enquête avant l’intervention de l’inspection du travail. Alors que le collègue qui travaillait avec lui refusait de monter sur le toit pour continuer le chantier le lendemain, il à reçu un avertissement. Voici le le témoignage de la soeur de Steven, Sarah, relayé par la CGT.

Ce jour-là

Nous sommes le 17 septembre 2020; il est 14h au premier appel reçu.

Rendez-vous aux urgences : mon frère a traversé une éverite.

Il est tombé sur la tête… Il a 27 ans, et s’apprête à devenir papa.Tout son avenir défile en une seconde, comme sa chute. Nous arrivons à l’hôpital, que se pass-t-il, que se passe-t-il ?

Sa patronne, qui sait tout, prend contact avec nous et nous informe que son pronostic vital n’est pas engagé.Qu’il a fait une chute d’environs 5 mètres et qu’il est tombé sur la tête. Qu’il est conscient et qu’il s’est même assis.Que les pompiers sont arrivés et l’ont plongé dans le coma artificiel pour lutter contre la douleur.

Ce sont les seules informations que nous aurons. Après plus de 4 heures d’attente aux urgences, le verdict tombe : tu es entre la vie et la mort…

Un hématome s’est formé côté gauche et les saignements dans ton cerveau sont importants.

Je m’effondre. subemergée par la douleur, l’angoisse, je pleure…

Il faut réaliser une opération de toute urgence, nous ne pouvons pas te voir.

Des questions me hantent : où es-tu ? Dans quelle pièce te trouves-tu ? Est-ce que tu souffres, mon frère ?

J’ai envie de tout traverser, de courir vers toi, de voir s’ils s’occupent bien de toi. Mon frère, je réalise à ce moment-là que ma vie sans toi sera impossible. Nous sommes le triangle d’or, sans toi je me sens déjà bancale, tellement fragile. Mon frère, toi mon pilier, ma joie de vivre, mon âme soeur, mon meilleur ami, mon alter ego, mon tout…

Deuxième jour. Après deux lourdes opérations de 3 heures au cerveau et la moitié de ton crâne en moins, tu es encore là…

J’appelle toutes les heures… On peut enfin venir te voir.

Je te vois ! Qu’est-ce que tu es beau, mon frère, malgré tous ces tuyaux qui te maintiennent en vie. Tu es tellement grand dans ce lit et tu parais serain. Mais normal, c’est le Paradis qui t’attire… Je te parle, je n’en fini pas de te parler, t’explique que nos conflits perpétuels sont oubliés, stoppés net, qu’on oublie tout. Qu’il faut que tu reviennes. Reviens, mon frère, je t’en supplie.

Et je pleure.

Mais je ne le montre pas. Je me contiens, car tu vas revenir. Et comme tu m’entends, il est hors de queston que tu puisses ensuite rigoler de tout ça !

Troisième jour. Tu es en train de partir… Nous sommes appelés par le médecin… Je suis tétanisée, j’ai peur… Je sens que tu t’en vas et j’ai si mal. Mais tu reviens et tu mènes ton combat. Alors l’espor renaît un peu…

La nuit, j’appelle : tu es « stable ». Ce mot revient sans cesse dans ma tête, me hante : tu es « stable ». A quel moment pense-t-on à ton cerveau… Car c’est lui qui a morflé.

La descente aux enfers commence, mais je ne m’en rends pas compte. J’y crois dur comme fer, tu es là, ton coeur bat, c’est tout ce qui m’importe.

Quatrième jour. On te maintient toujours en vie.

Les médecins t’on fait un scanner et décident de nous revoir. Je n’en peux plus de ces médecins qui veulent nous ramener à la réalité. Ils essaient tant bien que mal de nous faire comprendre que… tu ne feras probablement pas partie de ces 20% des survivants… Mais je ne l’entends pas, je ne veux pas l’entendre. Tu VAS faire partie de ces 20%, car ma vie sans toi n’est pas envisageable.

Cinquième jour. On comprend ton combat, c’est si dur…

Sixième jour. C’est mon tour : je te vois enfin, je te prends dans mes mains, te touche comme jamais je n’ai pu le faire, je te sens, j’écoute ton coeur.

Je pose des questions à l’infirmière, mais elle me répond qu’il faut voir le médecin.

Ils ont encore augmenté ta dose de « tu-dors ».

J’interromps mon unique rendez vous avec mon sang pour rejoindre mes proches et leur rapporte qu’il faut aller voir le médecin.Ils veulent encore nous voir.

L’angoisse monte, me paralyse. Je comprends tout de suite qu’ils veulent te débrancher. Dans ma tête, dans mon coeur, je ne peux m’y résoudre : non, c’est hors de question.

Le verdict tombe, après le scanner passé le lundi : les lésions de ton cerveau sont trop importantes, les deux hémisphères sont touchés… L’annonce me terrasse. Dévastée, je prend alors conscience de l’horreur : mon frère ne se reveillera pas.

Ce jour-là, ils ont charcuté ton magnifique cerveau pour essayer de te sauver. La descente aux enfers commence, mais je ne m’en rends pas compte. J’y crois dur comme fer, tu es là, ton coeur bat, c’est tout ce qui m’importe. J’ai juste la force de demander : Combien de jours nous reste-t-il, docteur ? Vous avez deux jours. Je sors et je m’évanouis.

On prévient les proches. C’est terrible… Six jours avant, tout était tellement parfait dans nos vies… Comment imaginer qu’un tel accident aurait pu nous arriver et venir bouleverser nos vies, nos coeurs, nos âmes ?

Septième jour. Tout le monde peut à présent venir te voir, car tu es en « phase terminale », comme ils disent.

C’est l’hécatombe, las tupeur. Mais tu avais deux jours, le médecin l’a dit ! Chaque minute avec toi compte, un jour à tes côtés, c’est un jour de plus… Que se passe-t-il ? Pourquoi m’arrache-t-on mon frère avant ces deux jours qui nous restaient ? … C’est le brouhaha dans ma tête, la confusion, la douleur. Je réalise que tu vas partir, que nous allonrs « devoir » te laisser partir… Nous venons te voir.

Le processus est lancé.

Après des aurevoirs, mais pas des adieux, car nous allons nous retrouver bientôt, nous te laissons t’en aller… Pour ta dignité, par respect pour toi et car tu n’es plus là depuis le jour où tu as traversé cette éverite. Le dernier voyage. Pour ma part, ce fut un moment magnifique, je t’ai accompagné pour ton dernier voyage. Le plus beau sans doute, mais je ne m’en rends pas compte.

Tu n’as pas souffert, nous étions là, et ton coeur s’est arrêté. Après 7 jours de douleurs et de souffrance, tu es parti serein et sans tracas. Tu as mis 20 petites minutes pour quitter cette terre… Les minutes les plus courtes de ma vie, les plus douloureuses, car je voulais tant que tu restes avec nous…

Mais il était temps. Temps qeu tu rejoignes les anges. Ce jours là, le 24 septembre, tu es parti dignement. Depuis 7 jours je décale la pente des chutes du Niagara et je les remonte. Voilà ce que ça me fait : je ne me nourris plus, je ne bois plus. Ma vie s’est arrêtée le jour où tu as traversé cette éverite et que tu t’es écrasé dans un sous-sol. 

Mon frère, c’est la douleur pure, brute, insupportable, qui m’envahit…

Ce jour-là, il est 10h15, on s’appelle. Ce sera la dernière fois que j’entendrai ta voix…

Ce jour-là, le 17 septembre, ta vie a basculé, et notre vie prend un virage à 360 degrés.

Ce jour-là, en un quart de seconde, tu as chuté. Tu n’as pas pu mesurer le vide que tu allais nous laisser.

Ce jour-là, le 17 septembre où tout à commencé, où l’ange de la mort est venu te chercher, t’arracher à nous, car revenir dans ce corps si douloureux t’étais impossible. Comme je te comprends…

Mais ne t’inquiète pas, j’ai compris pourquoi j’étais encore là… Pourquoi mes yeux s’ouvrent chaque matin, alors que je ne le souhaite pas.

Ce matin, une visite m’a redonné la force et m’afait comprendre que la vie vaut la peine d’être vécue, malgré la douleur, et m’a que le combat, c’était maintenant.

Voilà pourquoi j’écris, voilà pourquoi je m’explose… Mon frère, ce n’est pas en me tenant à l’écart et en me taisant que je vais te rendre hommage ! A toi, mon unique frère. Aujourd’hui je suis tes yeux (merci) et je vais te rendre le plus bel hommage qui soit.

Je dénonce et condamne haut et fort les pratiques odieuses du monde du bâtiment, la mise en danger constante des travailleurs comme toi.

Un accident ? NON, un HOMICIDE ! Car c’est bien de cela qu’il s’agit.

Oui, entendez moi bien : un homocide ! On t’a fait travailler sans aucune sécurité. Alors que oui, de la sécurité, il en faudrait ! Et toi, tu n’en as pas eu ! Tes patrons, comme tant d’autes, se fichent éperdument de la sécurité de leur salariés, ne voient que leurs propres intérêts, aveuglés par le gain et le profit qui sont les seules choses qui comptent à leurs yeux. S’ils prenaient en compte et respectaient les êtres humains sans qui leur entreprise n’existerait pas, tu serais encore avec nous !

Mon frère, 1 mort par jour dans le bâtimet. Et, malheureusement, tu en fais partie. Je dénonce des pratiques illégales, la course au profit, au mépris de la sécurité. A cause de cela, tu n’es plus là, notre peine est immense, insupportable, et nous sommes inconsolabres. Ce jours là, tu allais tout simplement travailler. Rien n’est ta faute, mon frère…

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