Avenir Lycéen, un syndicat à l’image du régime

Le 8 novembre dernier, Médiapart révélait que le syndicat « Avenir Lycéen », très proche du gouvernement, a touché en 2019 65 000€ d’argent public destinés à l’organisation d’un congrès qui n’a jamais eu lieu. L’argent a été dilapidé dans des bouteilles de champagne et des chambres d’hôtel à 300€ la nuit. Cela n’a vraisemblablement pas dérangé le ministère de l’éducation nationale qui, bien qu’étant au courant de tout cela, a versé, en 2020, 30 000€ supplémentaire au syndicat lycéen.

Ce vendredi 20 novembre, c’est au tour du journal Libération de faire des révélations sur cette organisation lycéenne et de dévoiler comment Avenir Lycéen a été créé à l’initiative du ministère de l’éducation nationale dans le but de distiller les éléments de langage du gouvernement au sein des lycées et de briser les mobilisations contre la réforme du bac. Ces révélations, qui n’ont rien d’étonnant, nous démontrent une fois de plus que les affaires de corruption, de détournement d’argent public, de trafic d’influence, qui se jouent dans les sphères du pouvoir ne sont pas des scandales, des exceptions, mais bien le fonctionnement normal d’un État capitaliste prêt à tout pour écraser toute contestation.

Un syndicat créé dans le contexte des blocus lycéens de décembre 2018

En décembre 2018, alors que le mouvement des gilets jaunes est à son apogée, alors que le gouvernement Macron est proche de vaciller, des blocus de lycées ont lieu un peu partout sur le territoire de l’État français. Ces blocus ont lieu pour contester la réforme du bac, mais ils expriment un ras le bol général des masses populaires face à une situation sociale de plus en plus difficile, face à la casse continue des droits des travailleurs, face au chômage, à la pauvreté, à l’exploitation capitaliste. Dans ce contexte, le gouvernement cherche un moyen de vite mettre fin à ces blocus. Les rectorats se mettent en ordre de bataille et prennent contact avec les élus (lycéens) aux conseils académiques de la vie lycéenne (CAVL) en leur proposant d’écrire des communiqués. Les lycéens élus aux CAVL s’exécutent et proposent des communiqués aux rectorats. Certains de ces lycéens, favorables aux blocus, appellent même dans leurs communiqués la mobilisation à se poursuivre. Les rectorats réécrivent alors les communiqués de fond en comble pour condamner les blocus et mettre la pression aux lycéens en insistant sur le caractère illégal des blocages. Ces communiqués, présentés comme rédigés par les élus au CAVL maisen réalité écrits par les rectorats, seront en suite diffusés au sein des lycées par le biais des CAVL.

Mais, comme le révèle Libération, le ministère de l’éducation nationale va plus loin et manipule totalement les élus lycéens aux CAVL en leur disant, le 9 décembre, de partager massivement le hashtag #AvenirLycéen sur les réseaux sociaux. À ce moment là, les élus ne savent pourtant pas qu’un syndicat du même nom va être créé. Le 12 décembre, l’association Avenir Lycéen est officiellement créée, et le ministère de l’éducation nationale lui a déjà fait une jolie pub en s’appuyant sur des lycéens qui, à leur insu et naïvement, ont massivement partagé sur les réseaux sociaux la communication du ministère.

Le ministère de l’éducation nationale continue donc dans sa lancée. Prétextant vouloir donner plus de poids aux élus lycéens des CAVL, il s’appuie sur ces derniers pour lancerle syndicat Avenir Lycéen. Ainsi, Clairanne Dufour, membre fondatrice du syndicat, raconte à Libération comment trois anciens élus du CAVL, très proches du ministère de l’éducation nationale, l’ont prise sous son aile et propulsée présidente du syndicat avec des arguments bien méprisants tels que «Tu seras une parfaite présidente. Une fille en bac pro, c’est bien pour notre image. Tu seras donc cofondatrice avec nous.» La jeune lycéenne se retrouve donc, du jour au lendemain, présidente d’un syndicat lycéen après avoir été totalement manipulée par le ministère de l’éducation nationale. Cette proximité entre le ministère de l’éducation nationale et le syndicat est d’ailleurs utilisé par ce dernier comme un argument de recrutement au sein des lycées. En effet, les membres du syndicat présentent leur organisation comme proche du ministère, et donc plus écoutée que les autres syndicats lycéens. En réalité, c’est dans l’autre sens que ça se passe : Avenir Lycéen ne fait pas remonter les doléances des lycéens au ministère de l’éducation nationale, c’est le ministère de l’éducation nationale qui distille ses éléments de langage dans les lycées par le biais du syndicat.

Pendant des mois, le syndicat, directement piloté par le ministère de l’éducation nationale,continue donc de distiller les éléments de langage du gouvernement au sein des lycées,de partager des vidéos dénonçant les blocus, de promouvoir toutes les réformes gouvernementales, du service national universel à la réforme du BAC, en passant les changements de programmes scolaires. Tout cela paye, puisque le syndicat reçoit en deux ans près de 100 000€ de subventions publiques, alors que, dans le même temps, lessyndicats UNL et MNL, qui s’opposent aux réformes du gouvernement, voient leurs subventions baisser.

Propagande gouvernementale et détournement d’argent public

À l’image du régime, à l’image du système capitaliste où la corruption est omniprésente, les membres du syndicat Avenir Lycéen se sont fait plaisir avec l’argent public. Les 65000€ touchés par le syndicat en 2019, et qui avaient vocation à organiser un congrès, ont été dépensés en repas luxueux, champagne et autres chambres d’hôtel. Le congrès, lui, n’a jamais eu lieu. Mais cela n’a, semble-t-il pas dérangé le ministère de l’éducationnationale. Après tout, des jeunes qui s’évertuent à faire accepter les réformes gouvernementales par les lycéens peuvent bien être récompensés avec du bon champagne, non ? Alors, en 2020, Avenir Lycéen a à nouveau touché 30 000€ d’argent public. Des sommes considérables pour une toute petite organisation qui compte à peine quelques centaines de membres.

Ce détournement d’argent public n’a rien d’étonnant lorsqu’on sait que ces pratiques sont monnaie courante au sein des institutions étatiques : combien de scandales de corruptionont touché des politiciens ces dernières décennies ? À l’échelle nationale, plusieurs dizaines, si on ajoute les scandales locaux, qui ne font pas la une de l’actualité, des milliers.

Au fond, Avenir Lycéen n’est qu’une illustration de plus du mode de gouvernance descapitalistes, un mode de gouvernance où la manipulation, le mensonge, la corruption, le détournement de fond, sont omniprésents. Un mode de gouvernance tellement méprisant des masses populaires que le gouvernement est prêt à utiliser des jeunes naïfs de 16 ou 17 ans comme des pantins en les attirant avec de belles promesses et des bouteilles dechampagne.

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