Aux États-Unis, l’essor du marché des « consultants anti-syndicats »

Aux États-Unis, le marché des consultants anti-syndicats est en plein essor. Leur rôle ? Aider les entreprises à empêcher l’implantation de syndicats en influençant les salariés pour qu’ils votent contre la création d’une structure syndicale.

Aux États-Unis, une intensification des luttes sociales ces dernières années

C’est un marché qui l’année dernière pesait 340 millions de dollars. Un montant important et en hausse, que des entreprises sont prêtes à débourser pour s’offrir les services de consultants spécialisés dans la lutte anti-syndicale.

Et pour cause, alors que les États-Unis connaissent une intensification des luttes sociales, les entreprises ressentent le besoin de protéger leurs intérêts face à une augmentation du niveau de combativité de sections syndicales bien décidées à défendre les salariés. Sur l’année 2018, par exemple, 485 000 travailleurs états-unien ont fait grève au moins une journée, un record depuis 1987. Des grèves importantes ont notamment mobilisé les enseignants de plusieurs États, mais aussi les salariés des hôtel Marriott, ceux du fournisseur de gaz et d’électricité National Grid, ou encore les personnels hospitaliers californiens.

Mais l’évènement particulièrement marquant des luttes sociales aux États-Unis ces dernières années, c’est la grève qui a paralysé les trente usines Général Motors du pays du 16 septembre au 25 octobre 2019. Ce mouvement social historique, jamais vu depuis 50 ans, aura mobilisé 50 000 ouvriers, empêché la production de 300 000 véhicules, fait perdre 3 milliards de dollars à l’entreprise et permis aux salariés d’obtenir des hausses de salaire ainsi qu’une amélioration de leurs conditions de travail.

Des ouvriers de Général Motors en grève manifestent devant une usine de l’entreprise

Dans ce contexte, et alors que le Covid-19 fait craindre aux patrons états-uniens une intensification encore plus forte des luttes sociales, nombreuses sont les entreprises à s’attacher les services de consultants anti-syndicaux. Aux États-Unis, pour qu’un syndicat soit constitué au sein d’une entreprise, il faut que les salariés votent en faveur de sa création. Ce vote se fait au terme d’une campagne au cours de laquelle les syndicats essayent de faire valoir auprès des salariés les intérêts d’être syndiqué, et au cours de laquelle, les entreprises, quant à elles, essayent par tous les moyens et avec généralement des arguments fallacieux, de décourager les salariés de voter pour la création d’un syndicat.

C’est à ce moment là qu’interviennent des consultants spécialisés. Ces dernières années, dans le sud des États-Unis, les usines de Nissan, Volkswagen ou encore Boeing ont eu recours à ce type de services, et, selon John Logan, expert du sujet à la San Francisco State University, 70% à 80% des entreprises dans lesquelles un vote est organisé sur la création d’un syndicat choisissent de recourir à un consultant anti-syndicat.

Des conseillers anti-syndicaux prêts à toutes les manipulations pour protéger les intérêts des patrons

Ces conseillers sont prêts à toutes les méthodes les plus viles pour décourager les salariés de s’organiser contre l’exploitation. Ainsi, Martin J. Levitt, ancien consultant anti-syndicat, écrivait dans un livre en 1993 « L’atmosphère de peur est essentielle (…) Plus on en savait sur la composition démographique d’une entreprise, mieux c’était. Nous pouvions jouer sur les rivalités, entre groupes ethniques, entre religions, entre classes d’âge. Nous pouvions utiliser le parcours de chacun pour lancer de fausses rumeurs, au risque de gâcher des vies, si besoin. »

Bien-sûr, dans le cadre des campagnes anti-syndicats, les entreprises et consultants essayent toujours de faire croire aux salariés qu’avoir une section syndicale va à l’encontre de leurs intérêts. Les entreprises essayent de se poser en défenseures des intérêts de leurs ouvriers, alors que les intérêts d’une entreprise et de ses salariés sont radicalement opposés : le but de l’entreprise est de faire un maximum de profit, et donc d’exploiter le plus possible les salariés, les salariés, quant à eux, ont pour intérêt à court terme d’améliorer leurs conditions de vie, de travail et de rémunération, et à long terme de mettre fin à l’exploitation capitaliste.

En tout état de cause, ces intérêts sont totalement divergents, et la volonté des entreprises de faire croire à leurs salariés qu’avoir un syndicat n’est pas dans l’intérêt des ouvriers est donc juste une tactique dissimulée pour empêcher les travailleurs de se battre contre l’exploitation qu’ils subissent.

Quoi qu’il en soit, dans un pays comme les États-Unis où les contradictions de classe s’intensifient et entraînent une intensification des luttes, il est peu probable que des consultants anti-syndicats suffisent à freiner la volonté de la classe ouvrière de lutter contre l’exploitation capitaliste.

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