Que fait l’armée Française au Sahel ?

Le 28 décembre 2020, trois soldats de l’armée impérialiste française ont été tués au Mali lors d’une attaque menée par des djihadistes du groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, lié à Al-Quaïda. Le 2 janvier 2021, des djihadistes du même groupe ont à nouveau tué deux soldats impérialistes français. Le lendemain, une frappe militaire de l’armée française a tué au moins 22 personnes dans un village malien. Selon des associations de la région, ce ne sont pas des djihadistes qui ont été frappés mais des civils qui assistaient à un mariage. Le 8 janvier 2021, six militaires français ont à nouveau été blessés lors de combats avec des djihadistes.

Dans ce contexte, la présence de l’armée impérialiste française au Sahel fait de plus en plus débat. De nombreux politiciens bourgeois demandent un débat sur l’opération Barkhane et, bien souvent, l’argument principal avancé ne tient pas à la dénonciation de l’impérialisme et des civils tués par l’armée française mais aux pertes militaires françaises. Tout cela nous amène à nous demander : que fait l’armée française au Sahel ? Pour répondre à cette question, nous devons d’abord étudier brièvement l’histoire de la région pour comprendre ce qui a amené au déclenchement de l’opération Barkhane.

La colonisation puis la domination impérialiste

L’opération Barkhane se déroule sur le territoire de cinq États du Sahel : Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad. Tous ces États sont d’anciennes colonies de l’État français ayant obtenu leur indépendance la même année, en 1960. Depuis cette vague d’indépendance, ces États sont restés des semi-colonies de l’État français, dominés totalement par l’impérialisme français, gouvernés par la bourgeoisie compradore, c’est à dire la bourgeoisie qui collabore directement avec la puissance impérialiste dominante. Ainsi, dans ces États, la puissance impérialiste française se balade, fait ce qu’elle veut, met en place les régimes qu’elle souhaite, pille les ressources, exploite de la main d’oeuvre, exporte des capitaux et écrase les mouvements de révolte qui contestent sa domination. Thomas Sankara, révolutionnaire anti-impérialiste burkinabé, en a fait les frais et a été assassiné et renversé lors d’un coup d’État soutenu par l’impérialisme français en 1987, et depuis cette date, aucun des États mentionnés n’a eu de gouvernement osant s’opposer à l’impérialisme français. Ainsi, en 2012, lorsque des touaregs ont déclenché une insurrection dans le nord du Mali, l’État compradore malien a rapidement fait appel à l’armée française pour écraser le mouvement qui avait mené une alliance avec des groupes islamistes. C’est donc pour écraser l’insurrection touareg et islamiste que l’opération Serval a été lancée par l’armée impérialiste française en janvier 2013. Depuis, l’opération Serval a pris fin, après avoir réussi à empêcher la prise de Bamako par les touaregs et islamistes. Cependant, cela n’a pas mis fin à la présence militaire impérialiste française au Mali, puisque c’est l’opération Barkhane qui a pris le relais à partir de 2014 dans le but, officiellement, de lutter contre les groupes djihadistes au Sahel.

L’impérialisme français défend ses intérêts économiques dans la région

Évidemment, l’armée impérialiste française n’est en aucun cas présente dans la région pour protéger les populations civiles et la démocratie, comme le prétendent les bourgeois pseudo-humanistes. En effet, depuis 2013, les frappes aériennes et les attaques françaises au sol ont déjà tué plusieurs dizaines de civils dans différents pays du Sahel. Si l’armée française est présente au Sahel, c’est avant tout pour sécuriser les intérêts économiques français dans la région. Le Sahel est une région dominée par l’impérialisme français : les ressources naturelles y sont principalement exploitées par des entreprises françaises, à l’image d’Areva qui dispose d’un quasi-monopole sur l’extraction d’uranium au Niger. Lorsqu’on sait que 72% de la production d’électricité française est nucléaire et que la France est le premier exportateur mondiale d’électricité, on comprend aisément pourquoi il est absolument vital pour les entreprises françaises du secteur de conserver leur monopole sur le pillage de l’uranium du Sahel.

Quarante mille entreprises françaises dont quatorze multinationales sont présentes en Afrique, et notamment au Sahel. Si certaines de ces entreprises, comme Total, sont principalement présentes dans la région pour en piller les ressources naturelles, d’autres, comme Orange ou Carrefour, parient sur le développement d’une « classe moyenne » africaine pour gagner de nouveaux marchés et obtenir des retours sur leurs investissements sur le continent.

Ainsi, les très importantes ressources naturelles du Sahel et la recherche de nouveaux débouchés économiques pour les entreprises françaises font partie des principales motivations de l’opération Barkhane. Cela est encore plus évident lorsqu’on regarde une carte des ressources naturelles de la région : on constate leur importante concentration dans les zones d’action de l’opération Barkhane.

Les pays sur le territoire desquels se déroule l’opération Barkhane sont tous gouvernés par la bourgeoisie compradore qui collabore activement avec l’impérialisme français, en permettant notamment l’installation d’entreprises françaises dans la région, mais également en sollicitant directement des interventions militaires françaises. Au Mali, par exemple, c’est l’État malien qui a demandé le déclenchement de l’opération Serval en 2013, et depuis, l’armée malienne est formée et armée par l’État français qui, de cette manière, s’assure une domination complète sur les forces armées du pays.

Néanmoins, si les États du Sahel sont historiquement des pays dominés par l’impérialisme français, les monopoles français font face, dans la région, à une concurrence de plus en plus forte de la part d’autres puissances impérialistes. Ainsi, le 28 mars 2019, la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann (membre du groupe des opportunistes du PCF au Sénat) s’inquiétait du « recul des intérêts économiques de la France en Afrique ». Elle affirmait à cette occasion que l’approche bilatérale de l’impérialisme allemand avait permis à ce dernier de supplanter la France comme principal fournisseur européen en Afrique. La sénatrice alertait également le gouvernement sur la forte progression des exportations chinoises en Afrique (3% des parts de marché en 2001, 18% en 2017), alors que, dans le même temps, les parts de marché françaises sur le continent sont passées de 11% à 5,5%. Il faut ajouter à cela la forte présence de l’impérialisme états-unien sur le territoire africain, notamment dans des pays faisant traditionnellement partie du pré-carré français. Et cela n’est pas près de s’arrêter : déjà en 2014, l’administration Obama encourageait les entreprises états-uniennes à suivre le pas de Microsoft et de General Electric et à investir en Afrique.

L’État français, chien maigre de l’impérialisme

L’essor des impérialismes allemands et chinois en Afrique se fait donc au détriment de l’impérialisme français qui, concurrencé jusque dans son pré-carré, se trouve désormais être le « chien maigre de l’impérialisme », selon la terminologie de Lénine. Cela signifie que l’impérialisme français est particulièrement en crise et que les intérêts de la bourgeoisie monopoliste française sont menacés. C’est cette situation qui pousse l’État français à multiplier les opérations militaires ces dernières années, que ce soit au Sahel, mais aussi en Centrafrique ou encore en Irak et en Syrie. En effet, ces opérations permettent à l’État français de disposer d’une force militaire directement sur place afin de sécuriser les matières premières, elles permettent aussi d’asseoir la domination de l’État français sur les structures étatiques de ces pays, elles permettent à l’État français de négocier de juteux contrats de vente d’armes et d’octroyer des prêts aux États du Sahel, augmentant ainsi leur situation de soumission vis à vis de l’impérialisme français. Enfin, elles permettent à l’État français de préparer la sous-traitance de la gestion sécuritaire de ces territoires, notamment par la création du G5 Sahel, dont l’action peut être résumée à cette phrase de Jean-Yves Le Drian, ministre des affaires étrangères : « une réorganisation intelligente consiste à diminuer nos effectifs en augmentant notre présence ».

Nous voyons donc ici la tendance à la guerre du système capitaliste-impérialiste qui, au travers de la concurrence entre les différentes puissances impérialistes, exacerbe les tensions et créée les conditions de conflits militaires pour la maîtrise des marchés et matières premières, comme nous avons pu le voir à de très nombreuses reprises au cours de l’histoire.

L’opération Barkhane ne se fait donc en aucun cas pour défendre le peuple malien face au terrorisme. Celui-ci n’est qu’un prétexte, et les djihadistes sont, en ce sens, les idiots utiles de l’impérialisme.

En France, combattre les positions erronées sur le sujet, et faire vivre l’internationalisme

En France, différentes positions erronées se font entendre sur le sujet. Du côté des bourgeois pseudo-humanistes « de gauche », on entend régulièrement que les peuples africains ont besoin des interventions militaires françaises pour développer la démocratie et lutter contre le terrorisme. Du côté des bourgeois de droite, le caractère économique de l’opération est plus assumé, puisque ces derniers n’hésitent pas à affirmer que l’intervention est nécessaire au regard des « intérêts de la France », qui ne sont en réalité que les intérêts économiques de la bourgeoisie monopoliste française. Enfin, à l’extrême droite, on entend régulièrement dire que l’armée française devrait se retirer, non pas au nom des droits des peuples du Sahel de vivre débarrassés de l’occupation impérialiste française, mais au nom de la protection de « nos soldats qui n’ont pas à mourir pour protéger des africains », comme si l’armée française était présente dans la région pour les intérêts des peuples du Sahel.

En réalité, sur ce sujet, la seule position juste, la seule position révolutionnaire, pourrait se résumer en quelques mots : « armée française, hors d’Afrique, entreprises françaises, hors d’Afrique ». Au sein de l’État français, les révolutionnaires doivent donc lutter avec acharnement contre les sales guerres impérialistes de l’État français, contre le pillage des ressources de l’Afrique par les entreprises françaises. Les révolutionnaires doivent dénoncer les plans des impérialistes, exposer clairement les contradictions et les mensonges de l’impérialisme et, enfin, se tenir aux côtés des peuples du Sahel, et notamment de leur diaspora en France, dans la lutte pour le retrait de l’armée française de tous les territoires d’Afrique. Par ailleurs, les révolutionnaires doivent également dénoncer les discours opportunistes, prétendument de gauche, qui défendent les intérêts des impérialistes chinois en Afrique. Ces discours, très présents chez les opportunistes, pseudo-communistes, du PCF (Parti « Communiste » Français) et du MJCF (Mouvement des Jeunes « Communistes » de France) ne servent en définitive que le système capitaliste, en affirmant de manière mensongère que la Chine est un État socialiste, alors qu’elle est en réalité un État impérialiste, social-fasciste. Les authentiques révolutionnaires tiennent donc une ligne anti-opportuniste et s’opposent à toutes les forces impérialistes, quelles qu’elles soient. C’est là notre conception de la ligne anti-impérialiste à La Cause du Peuple.

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