La gestion du Covid par le gouvernement accentue les inégalités dans les études supérieures

Ces dernières semaines, au sein de l’État français, plusieurs étudiants se sont suicidés ou ont tenté de le faire. En cette période de crise sanitaire et de couvre feu, alors que les universités sont fermées depuis plusieurs mois, la solitude et l’isolement commencent à durement se faire ressentir pour des centaines de milliers d’étudiants, et en particulier pour les étudiants issus de prolétariat, qui vivent bien souvent dans une situation de grande précarité et sous le seuil de pauvreté. Les évènements de ces dernières semaines et les importantes inégalités existant entre les étudiants illustrent le fait que ceux-ci ne sont en aucun cas un groupe social uni et qu’il existe une importante division entre ceux issus de familles prolétariennes et les autres.

Dans les études supérieures, il existe principalement trois types de lieux de formation : les BTS (brevet de technicien supérieur), qui forment majoritairement des ouvriers qualifiés, c’est à dire les franges supérieures du prolétariat, les grandes écoles (ENA, Science Po, ENS, grandes écoles de commerce ou d’ingénieurs etc) qui forment la bourgeoisie et l’Université qui se situe un peu entre les deux et forme une bonne partie de la petite bourgeoisie intellectuelle et des classes d’encadrement.

Ainsi, l’Université, qui est globalement accessible à la plupart des gens ayant obtenu le BAC, est le lieu où sont concentrés les plus importantes inégalités au sein des études supérieures. En effet, dans les grandes écoles, les enfants de bourgeois se retrouvent entre eux, entre membres d’une même classe sociale, les enfants de prolétaires sont presque totalement exclus de ces lieux. Dans les BTS, c’est plutôt l’inverse, les enfants de prolétaires sont majoritaires et les enfants de bourgeois sont minoritaires. À l’Université, on retrouve un peu de tout, des enfants de bourgeois ayant échoué les concours des grandes écoles, des enfants de la petite bourgeoisie intellectuelle (profs, professions libérales) et des enfants de prolétaires.

Cependant, si les enfants de prolétaires sont minoritaires à l’entrée à l’Université (seulement 13% des inscrits en licence sont enfants d’ouvriers alors que, selon l’INSEE, 20% des actifs en France sont des ouvriers), avec l’avancement dans les études, les inégalités se creusent de plus en plus. En effet, les enfants d’ouvriers ne représentent que 8% des inscrits en Master et 5% en doctorat. Cela signifie que, à l’Université, les enfants d’ouvriers sont plus nombreux que les autres à abandonner en cours de route ou à se contenter d’une licence plutôt que d’aller jusqu’au Master.

Ainsi, la crise sanitaire actuelle et sa gestion chaotique par le gouvernement n’ont pas créé les inégalités au sein des universités, mais les aggravent grandement. En effet, on entend souvent dire que « les étudiants vivent dans la pauvreté » ou que « les étudiants sont contraints de travailler à côté de leurs études ». Cela est faux, ce sont majoritairement les étudiants issus du prolétariat qui vivent dans la pauvreté et qui sont contraints de cumuler études et emploi, souvent précaire, mal payé et aliénant. Les enfants de bourgeois, qui vont dans des écoles à plusieurs (dizaines de) milliers d’euros l’année comme Kedge Business School ou encore l’EM Lyon, eux, n’ont en aucun cas besoin de travailler à côté de leurs études, car leurs parents ont les moyens de leur payer un appartement, leurs courses et tout le reste. Ainsi, le fait que de très nombreux étudiants en école de commerce travaillent à côté de leurs études est en réalité un trompe l’oeil : ils font des stages dans des start-up, ils obtiennent des postes de managers dans des entreprises et travaillent ainsi à des postes d’encadrement pour se faire un réseau et non par nécessité financière. À l’Université, c’est l’inverse, en France, 46% des étudiants travaillent à côté de leurs études, et ce chiffre est en réalité bien plus important si on compte également les étudiants qui ne travaillent que l’été ou ceux qui exercent des emplois non déclarés. Le fait d’avoir un emploi à côté de ses études est un facteur d’échec : les quinze heures par semaine passées à préparer des hamburgers chez McDo ou à livrer des repas pour Uber Eats sont autant d’heures en moins pour travailler ses cours, dormir ou voir ses amis. Cela explique pourquoi autant d’étudiants arrêtent dès la première année, car il est difficile physiquement et moralement de cumuler emploi, études et vie sociale, alors de trop nombreux étudiants, pour la plupart enfants d’ouvriers, sont contraints financièrement de renoncer à leurs études. De plus, là où les enfants de bourgeois peuvent se permettre de faire de longues études, les enfants de prolétaires, eux, cherchent généralement à s’insérer rapidement de manière pérenne dans le monde du travail, car les études coûtent cher, et chaque année d’étude supplémentaire est un sacrifice pour les familles.

Cette situation bénéficie directement à la classe capitaliste. En effet, les étudiants précaires, tout comme les chômeurs, sont considérés comme une variable d’ajustement dans la production : ils exercent les emplois les moins qualifiés et les moins bien payés et sont corvéables à merci car peu syndiqués. De plus, chaque jeune qui abandonne ses études vient renforcer les rangs des millions de prolétaires non qualifiés, contraints financièrement d’accepter n’importe quel emploi, peu importe le salaire ou les conditions de travail. En cette période de crise économique et de crise de l’impérialisme français, le gouvernement de Macron mène des réformes qui, loin d’apporter des solutions aux problèmes décrits plus haut, les aggrave. C’est le sens de la réforme Parcoursup, qui a mis en place une sélection déguisée à l’entrée de l’Université, fermant encore un peu plus les portes des études supérieures aux jeunes issus du prolétariat et augmentant de ce fait le nombre de jeunes se retrouvant sans aucune formation.

Pour autant, cette situation n’est pas une fatalité, car elle ne vient pas de nul part. Elle découle du système capitaliste et elle existait bien avant le Covid, car l’enseignement est organisé pour satisfaire les exigences de la classe au pouvoir en reproduisant perpétuellement les classes sociales. Nous devons donc nous organiser pour lutter, car il n’y a que par la lutte que nous pourrons obtenir des améliorations concrètes dans nos conditions de vie et d’études. Il n’y a que par la lutte que nous pourrons obtenir une augmentation des bourses. Il n’y a que par la lutte que nous pourrons obtenir le retrait de la réforme Parcoursup qui a fermé les portes de l’Université à des centaines de milliers d’enfants d’ouvriers depuis maintenant trois ans. Il n’y a que par la lutte que nous pourrons obtenir satisfaction de nos revendications immédiates et mettre fin à la vague de suicides chez les étudiants. Il n’y a que par la lutte que nous pourrons obtenir des universités réellement démocratiques, ouvertes à toutes et à tous, où l’enseignement ne dépendra pas des exigences de la classe au pouvoir mais servira au contraire à former tout un chacun à avoir un rôle utile au sein de la société.

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