À Tripoli, au Liban, la population doit choisir entre mourir de faim et mourir du Covid

À Tripoli, deuxième plus grande ville du Liban, la colère gronde. Depuis le 25 janvier, d’importantes manifestations et émeutes ont lieu dans cette ville, la plus pauvre du pays. Le 27 janvier, les émeutes ont gagné en intensité et l’armée a tiré à balles réelles sur la foule, faisant au moins un mort. Le lendemain, les protestataires ont incendié la mairie de la ville et attaqué le siège du gouvernement dans la région, et les protestations s’étendent désormais aux autres villes du Liban. Cela fait suite à la décision de l’État libanais de revenir à un confinement strict afin d’endiguer l’explosion des cas de Covid dans le pays. À Tripoli, où avant le coronavirus 36% de la population vivait sous le seuil de pauvreté et où 60% des jeunes étaient au chômage, la situation n’a fait qu’empirer et la population doit désormais choisir entre mourir de faim et mourir du Covid.

Au Liban, les hôpitaux sont saturés de patients Covid et les services de réanimation ne peuvent plus absorber les nouveaux cas. Alors, le gouvernement a décidé de prendre des mesures très strictes avec un confinement et un couvre feu. Alors que l’État libanais est en situation de faillite, alors qu’une partie importante du peuple libanais vit d’aides d’urgence, alors que l’explosion du port de Beyrouth cet été n’a fait qu’aggraver les problèmes économiques du pays, ces nouvelles mesures sanitaires viennent encore un peu plus plonger dans l’extrême pauvreté les masses populaires libanaises.

À Tripoli, les manifestations de ces derniers jours sont bel et bien des émeutes de la faim : les manifestants crient haut et fort « nous n’avons plus rien à manger, nous n’avons plus d’argent pour nous nourrir ». Et pour cause, au Liban, pays sous domination impérialiste, les crises se succèdent, la bourgeoisie compradore au pouvoir (c’est à dire qui collabore avec les impérialistes) est totalement corrompue et les puissances impérialistes mettent la main sur les ressources naturelles, au détriment du peuple libanais.

Comme dans tous les pays du Moyen-Orient, une partie importante de la population vivant au Liban travaille en toute illégalité, sans contrat de travail. Ces prolétaires vivent donc dans une situation de soumission totale vis à vis de leurs employeurs, et en période de crise sanitaire, nombre de ces travailleurs se retrouvent sans emploi et sans aides de l’État. À Tripoli, on estime que la moitié des habitants de la ville survit grâce à des travaux journaliers. À ce sujet, nous pouvons notamment citer l’exemple des travailleuses domestiques immigrées qui subissent le système de la Kafala, véritable prison juridique. En effet, la Kafala, désigne « une coutume qui implique que chaque travailleuse domestique entre, réside et travaille au Liban grâce au parrainage de son seul et unique employeur. La situation juridique de la femme domestique immigrée est donc étroitement liée à son kafeel -parrain- qui lui assure la régularité de son permis de résidence et permis de travail au Liban ». La Kafala est une survivance du système féodal qui permet aux employeurs, généralement la bourgeoisie compradore libanaise, ou des bourgeois étrangers vivant au Liban, d’avoir un pouvoir absolu sur les travailleuses domestiques, car ces dernières sont juridiquement soumises à leurs employeurs. Ainsi, les femmes ayant fui leur employeur se retrouvent dans l’illégalité et risquent à tout moment l’expulsion du Liban, ce qui les plonge dans une situation de précarité particulièrement difficile, les obligeant à travailler illégalement en tant que femmes de ménage, cette fois en dehors du système de la Kafala.

La situation actuelle du Liban ne vient donc pas de nulle part. Elle est le fruit de la domination impérialiste du pays, elle est le fruit de la collaboration de la bourgeoisie compradore libanaise corrompue avec les puissances impérialistes. Les libanais qui se révoltent à Tripoli ne se révoltent donc pas contre les mesures sanitaires mais bien contre les conséquences économiques et sociales de celles-ci car, en définitive, en confinant la population sans lui offrir de quoi survivre, l’État libanais demande au peuple de choisir entre mourir du Covid et mourir de faim. Face à cela, les libanais ne se laissent pas faire et, dans le sillage des importantes révoltes qui ont secoué le pays ces dernières années, les masses populaires descendent massivement dans la rue, particulièrement à Tripoli, pour crier toute leur rage face à cette terrible situation.

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