Quelques points importants sur la classe

Cet article est tiré de la version papier de la Cause du Peuple de Mai-Juin 2021, disponible ici.

Aucune politique révolutionnaire sérieuse ne peut se passer d’une analyse de classe. C’est Karl Marx qui a brillamment démontré que toute l’histoire du monde n’est que celle de la lutte des classes. C’est-à-dire, le combat séculaire entre la classe qui opprime et celle qui est opprimée à un moment donné du cours de l’histoire. La classe qui opprime, c’est celle qui possède les moyens de production (les esclaves, la terre, aujourd’hui, les usines). Dans l’État français en 2021, cette lutte prend la forme de l’opposition irréconciliable entre la bourgeoisie qui possède les moyens de production, et les prolétaires qui n’ont que leur force de travail à vendre. Pour comprendre cela, K. Marx a analysé l’économie : c’est le fondateur de l’économie politique marxiste. Il nous signifie que si nous voulons comprendre la société, le monde, il faut analyser la structure économique et qu’en dernier ressort, toute question a un fond économique. Cela signifie que malgré le fait qu’il y a beaucoup d’éléments qui expliquent telle ou telle chose, c’est l’économie qui est l’élément déterminant. Mais bien entendu, tout est beaucoup plus complexe.

Le marxisme, et c’est là où il convient de ne pas se tromper, ce n’est plus seulement Marx aujourd’hui. Depuis le Manifeste du Parti communiste en 1848, nous avons énormément appris à l’aune de l’immense expérience accumulée en plus de 170 ans de lutte sans pitié entre le prolétariat et la bourgeoisie.

Si nous arrêtons notre analyse de classe à la simple structure économique, alors nous entrons dans des analyses comptables uniquement utiles pour les sociologues de salon. Nous aurons beau déclamer que la classe ouvrière existe, qu’il y a 6 millions d’ouvriers, 6 millions de chômeurs, 10 millions de pauvres, ça ne suffira pas à générer une révolution. On pourrait s’étonner qu’avec de tels chiffres, la France ne soit pas davantage en incandescence. C’est que la classe est bien plus qu’un rapport de production. Sinon, il y a bien longtemps que la minorité de dominants aurait été balayée de la surface de la Terre. Nous rentrons là dans le concept un peu barbare mais central de classe « en soi » et de classe « pour soi ». La classe « en soi », c’est le rapport de production, qui fonde le rapport entre l’ouvrier et le patron. Elle existe de fait puisqu’il y a des millions de salariés dans l’État français. En fait, jamais dans l’histoire il n’y a eu autant de salariés et salariées en France.

La classe « pour soi », c’est celle qui s’organise, qui est consciente, c’est celle qui existe vraiment, c’est l’actrice de l’histoire. Une classe a un contenu économique, idéologique et politique. Le contenu économique du prolétariat, nous l’avons dit, c’est le rapport de production, ouvrier-capitaliste. Mais il ne peut devenir vraiment une classe qu’en partageant la conception du monde prolétaire, qu’en s’organisant politiquement. En somme, le prolétariat, comme classe pour soi, c’est-à-dire comme agent historique du changement de paradigme civilisationnel, c’est celui qui partage la conception du monde communiste (l’idéologie du prolétariat) et qui s’organise politiquement. La classe ne peut donc pas être unifiée aujourd’hui, elle le sera sous le socialisme. Si la classe pouvait se constituer pleinement uniquement sur la base des facteurs économiques, nous ne comprendrions alors pas pourquoi il y eut de gros contingents d’ouvriers gaullistes, pourquoi des exploités votent RN aujourd’hui, pourquoi tout ce vieux monde pourri tient encore debout. C’est pour cela que la bourgeoisie a pu déclarer la fin de l’histoire, la fin de la lutte des classes, car avec l’effondrement du révisionnisme en 1989, la classe a implosé, elle a perdu tout contenu idéologique et ses organisations politiques se sont effondrées. Elle était déjà mal en point, car dirigée par des bourgeois qui se déguisaient en prolétaires. Quoi qu’il en soit, il fallait que tout s’effondre pour repartir sur des bases saines. Les fondations avant les murs, nous dit le bon sens de l’architecte.

Nous aurons beau crier que la classe existe, le bourgeois n’est pas fou, il veut du concret. S’il n’y a plus d’organisation politique du prolétariat, plus de lutte politique pour le pouvoir, c’est que la classe a disparu. C’est aussi intéressant de voir que la grande préoccupation de la bourgeoisie, c’est la « disparition » de la « classe ouvrière » comme classe « pour soi ». La bourgeoisie sait bien que le zadisme, les « expériences » en tout genre, les « penseurs » anti-système, les boutiquiers de l’insurrection, ne sont que du vent, une brise printanière tout au plus dans la mesure où tout cela ne touche pas à son pouvoir réel. Par contre, il sait que la classe ouvrière est la seule qui peut lui disputer son pouvoir car là se trouve le véritable rapport antagoniste.

Nous comprenons donc aussi pourquoi la bourgeoisie continue à exister sous le socialisme, alors qu’elle a perdu son pouvoir économique et politique. C’est le président Mao qui, le premier, l’a compris et c’est pour cela qu’il a promu et appliqué la grande révolution culturelle prolétarienne. Il faut entendre « culturel » dans le sens de civilisation. Ce nouveau type de révolution, c’est la transformation idéologique des masses, et elle se fait en même temps que la révolution socialiste. Car oui, uniquement changer le système économique ne permet pas que les idées se transforment automatiquement. Les vieilles idées perdurent chez la classe qui a été vaincue comme classe pour soi, leurs cerveaux portent encore le vieux monde.

Comment cette classe « pour soi » apparaît-elle ? Elle se développe, comme toute chose, dans le mouvement, dans la lutte des classes, à partir de petits contingents de prolétaires organisés et déterminés. Les masses vivent dans le réel, elles veulent du concret. Elles n’ont pas le temps de grandes discussions d’amphithéâtres universitaires. Il faut donc mener des luttes même d’importance minime, les gagner, et, à partir de ce terreau devenu favorable, politiser. Ce travail de fourmi se nomme le travail de masse, et c’est le cœur du travail révolutionnaire.

Tout phénomène commence petit puis se développe par bond. L’époque actuelle qui est celle du pourrissement de l’impérialisme va accélérer tout ce processus historique. Tout va plus vite, mais, quoi qu’il en soit, la conscience de classe comme toute chose, se développe du petit vers le grand, du haut vers le bas.

Il faut rencontrer la classe, la découvrir en marchant à ses côtés dans la lutte, pas autrement. Car nous aurons beau donner 10, 100, ou 1000 exemples des rapports de production, cela ne changera rien car le rapport de production, les masses le sentent dans leur chair, elles le vivent au quotidien. Tout le monde sait bien qu’une minorité se gave sur notre dos. Ce que nous devons montrer, c’est que le prolétariat lutte, qu’il n’a jamais arrêté de lutter et que c’est par la lutte qu’on peut changer les choses. Nous devons montrer que seule une grande révolution peut régler les problèmes quotidiens des masses. Il est essentiel d’internationaliser la lutte du prolétariat, qui est une classe unique mondiale.

Un dur chemin de luttes nous sépare de la classe « en soi » à la classe « pour soi ».

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