Analyse : que nous révèlent les dernières élections avant les présidentielles ?

[Temps de lecture : 3 min.]

On est repartis pour un tour : l’été est là et on nous diffuse déjà à la télé, dans les médias, sur internet, des sondages et des actualités sur les élections présidentielles. Pourtant, à peine en juin, deux autres élections ont eu lieu ! C’était les élections régionales et départementales. Elles ont été bien vite oubliées et mises sous le tapis par les éditorialistes de tous bords.

Ce n’est pas étonnant : ces élections ont vu un record absolu d’abstention en France. Du jamais vu. Embarrassant pour la démocratie bourgeoise française. Ce sont deux tiers des inscrits qui se sont abstenus, 66 % environ, lors des deux tours. Concrètement, plus de 30 millions de personnes ne sont pas allées voter. Alors même que ces élections avaient été repoussées de plusieurs mois en raison de la pandémie, elles ont été de très loin les deux scrutins les moins suivis de tout le pays.

Cette abstention est la plus grande leçon à tirer de ces élections. Depuis 2017, quand Macron a été élu président, elle a sensiblement augmenté. En réalité, aucun scrutin depuis son élection n’a su mobiliser décisivement plus de la moitié de l’électorat. Qui s’abstient ? C’est en très grande majorité le prolétariat et la classe ouvrière : 75 % des employés et ouvriers se sont abstenus, près de dix points au-dessus de la moyenne nationale. Cette tendance de fond grimpe depuis 2017, quand 69 % et 65 % des ouvriers et employés s’étaient abstenus au second tour des législatives. Elle est la preuve d’un ras-le-bol général de la politique bourgeoise et des cycles électoraux qui vient renforcer la crise politique que nous connaissons. Le prolétariat ne voit pas d’issue favorable dans le faux choix qu’on lui propose tous les deux ans aux urnes. En 2018-2019, à l’occasion des européennes, le grand mouvement des Gilets jaunes avait démontré cette réalité sur le terrain. La crise sanitaire du COVID n’a fait qu’accentuer cela, en mettant en avant les nombreuses failles de l’État français dans la gestion de la crise. Ainsi, les élections municipales de 2020 avaient elles aussi déjà été ignorées en masse. Mais entre 2020 et 2021, ce sont plus de 5 millions de votantes et votants qui ont décidé de ne pas aller aux urnes cette fois-ci. C’est une progression très importante.

Passons désormais aux résultats. Ces élections ont vu le maintien quasi absolu des mêmes majorités dans les régions et les départements. Ce sont les partis « traditionnels » de droite (LR) et de gauche (PS) qui en ressortent les grands vainqueurs. Pourtant, depuis 2017 et la décomposition du PS, la politique bourgeoise française semblait s’orienter autour d’un duel entre le parti de Macron et le parti de Le Pen. Comment expliquer alors ces résultats qui pourraient paraître surprenants ?

Eh bien, que l’on parle de la République en Marche ou du Rassemblement National, ce sont des mouvements/partis qui sont faits pour l’élection présidentielle, et pas pour les scrutins locaux. C’est particulièrement vrai pour la République en Marche, qui a échoué à toutes les élections locales depuis sa création. À leur tête, on retrouve une personnalité « présidentiable », pièce maîtresse de la politique française. À l’inverse, le PS ou LR, eux, sont des partis qui ont été décapités de cette figure. À gauche il n’y a personne, et à droite, Xavier Bertrand tente de s’imposer en figure présidentielle, mais il n’appartient plus à LR depuis plusieurs années. Malgré tout, les deux partis conservent de nombreuses et nombreux élus locaux. Voilà d’où ils ont tiré leur vitalité lors de ces régionales et départementales, en comptant sur le soutien notamment de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie locale, pour être réélus. À gauche, les écologistes ont grappillé sur le PS dans les grandes métropoles comme l’Île-de-France, et les insoumis ont réalisé de très mauvais scores. Il faut noter que le RN, toujours présenté comme le « parti des classes populaires » ou « parti des ouvriers » n’a en réalité pas d’implantation locale dans le prolétariat. Ses candidats locaux, régionaux, sont en général des notables du coin, des petits bourgeois et des bourgeois, et le RN a, comme les autres partis, subi de plein fouet l’abstention des masses françaises.

Ces résultats compteront-ils lors des élections présidentielles à venir ? Rien n’est moins sûr. Il est clair que la droite a pour intention de surfer sur la vague de cette élection le plus possible. Pour le gouvernement Macron et ses suiveurs, tout comme pour le clan Le Pen et le RN, il faut à tout prix oublier cette erreur de parcours. C’est dans ce sens que le congrès du RN tenu en juillet a confirmé Marine Le Pen comme candidate pour 2022. Dans la gauche bourgeoise, ça s’agite au PS, chez les écolos et les insoumis afin de tirer son épingle du jeu et de trouver la candidate ou le candidat qui pourrait changer l’élection. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Mais, comme nous l’avons dit plus haut, ce qui domine toute cette élection, c’est le rejet massif de la farce électorale. Lors de l’élection présidentielle à venir, qui est traditionnellement la plus mobilisatrice en France, il s’agira de faire en sorte que cette abstention se transforme en boycott actif et s’installe durablement dans le paysage de la politique française.

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