Théorie : Qu’est-ce que l’impérialisme et pourquoi est-il en crise?

Article issu de notre édition imprimée disponible ici.

L’impérialisme est souvent considéré comme une stratégie militaire d’expansionnisme en vue de créer un empire comme au XIXe et XXe siècle. Il est souvent ramené à une politique de conquête. Mais l’impérialisme a une signification plus large. L’impérialisme c’est le stade actuel et suprême du capitalisme, le capitalisme monopolistique qui s’est étendu sur toute la terre. Nous sommes rentrés dans cette période de l’histoire du capitalisme depuis la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, et l’on peut dégager 5 points qui le caractérisent :

Premièrement, le développement et la concentration de la production du capitalisme ont créé les monopoles, les gigantesques entreprises (Total, Apple, Amazon…) qui dominent un ou plusieurs marchés. Ils peuvent se regrouper pour écraser la concurrence, se mettre d’accord sur des prix plus élevés et conclure toutes autres sortes de contrats pour s’assurer le contrôle du marché et les profits.

Deuxièmement, le capital industriel et le capital bancaire sont de plus en plus étroitement liés, ils fusionnent pour créer le capital financier. Les banques ne sont plus juste de simples intermédiaires qui font circuler le capital, mais détiennent du capital, elles sont dans les comités d’entreprises des industriels et inversement.

Troisièmement, l’exportation des capitaux à travers le monde prend une signification particulièrement importante. C’est ce qu’on appelle les «investissements à l’étranger».

Quatrièmement, les groupements capitalistes se sont partagés économiquement le monde. Il n’existe pas de terre où l’on ne trouve pas ces grandes compagnies : il y a des t-shirts Adidas au fin fond des forêts philippines par exemple.

Cinquièmement, les grandes puissances se sont partagées territorialement le monde. C’était avant en colonisant directement les pays opprimés. Aujourd’hui bien qu’il y ait encore des colonies, la majorité ont été transformées en semicolonies, indépendantes formellement, mais toujours exploitées économiquement par les puissances impérialistes à travers le capitalisme bureaucratique qui s’y est développé.

Le point le plus essentiel pour caractériser cette époque, c’est l’aspect monopolistique du capitalisme, les 4 autres points découlent tous de cet aspect.

Caricature des impérialistes qui écrasent le reste des masses

L’impérialisme a donc socialisé la production. Il a fait passer la majorité de la production d’une multitude de petites entreprises et d’artisans isolés qui vendaient leurs produits sur les marchés locaux et intérieurs à d’immenses entreprises qui se projettent dans le monde, qui regroupent jusqu’à des centaines de milliers de salariés. Il reste tout de même une contradiction, toutes ces entreprises appartiennent à une poignée d’individus, des millions de personnes travaillent pour que quelques-uns s’enrichissent, c’est cela la contradiction fondamentale de notre époque. Elle faisait déjà dire à Lénine au début du siècle dernier que les conditions étaient mûres pour passer au socialisme et à la propriété collective pour satisfaire les besoins du peuple et non plus pour créer des milliardaires. Aujourd’hui cette contradiction s’est beaucoup plus intensifiée, la production s’est énormément développée, mais la misère n’a pas disparu. Il y a 10 millions de pauvres en France, et quelques dizaines de familles qui détiennent une immense partie du capital.

Comment les monopoles ont-ils fait pour émerger et devenir dominants? Quand le capitalisme s’était imposé partout en Europe au XIXe siècle il se développait rapidement et les entreprises étaient d’abord petites. Mais ce développement n’était pas égal partout, il y avait des différences entre les pays, entre les régions, entre les villes, et entre les entreprises, car la propriété des entreprises était et est toujours privée. Elles cherchent à maximiser leur profit, elles utilisent donc toutes sortes de moyens pour réduire le coût des matières premières, faire travailler les ouvriers plus longtemps et payer des salaires plus faibles, pour innover et augmenter la productivité, etc. Certaines se débrouillent mieux que d’autres qui font faillite devant la concurrence acharnée et peuvent notamment être rachetées, et le capital se concentre alors dans les mains de quelques-uns. De la propriété privée nait la concurrence et celle-ci crée un développement inégal de la production donc la concentration du capital et donc les monopoles, le capitalisme mène nécessairement au stade de l’impérialisme.

Manifestation de travailleuses et travailleurs aux Philippines contre l’impérialisme

L’impérialisme parasite l’ensemble de la société. Il bride le développement de la production avec les brevets, ce qui est clairement dans la période actuelle avec le COVID. Des centaines de milliers de brevets sont déposés chaque année, empêchant les entreprises concurrentes d’utiliser les innovations et donc d’étendre la production. Avec la financiarisation de l’économie, il a créé une grande couche de rentiers, de personnes qui ne vivent d’aucun travail, mais qui touchent des dividendes, des intérêts ou des loyers, le fruit de l’exploitation des prolétaires.

Les impérialistes aujourd’hui exploitent férocement les pays semi-féodaux, semicoloniaux, généralement dits du «Tiers-monde», c’est-à-dire l’intégralité des pays d’Afrique, d’Amérique latine, et la grande majorité des pays d’Asie. Bien qu’indépendants formellement, ces nations n’ont pas obtenu leur libération, elles sont dominées par les classes des propriétaires terriens, qui imposent leurs traditions et dominations féodales, et des capitalistes compradores qui sont de mèche avec les impérialistes. Et il serait faux de croire que les monopoles et les États impérialistes participent à leur développement comme on l’entend souvent. Pour la bourgeoisie française, l’Afrique est une chance, il y a des matières premières et une population grandissante. Mais si tant d’entreprises françaises y ont installé leurs capitaux, c’est pour en sortir des super profits grâce à une main-d’œuvre moins chère et une concurrence moins féroce. Ces profits sont redirigés vers les métropoles et ne profitent pas aux administrations locales. Ils permettent à une partie du prolétariat des pays impérialistes de gagner plus, de «s’embourgeoiser» et former une aristocratie ouvrière. C’est une forme de parasitisme très élevée.

L’impérialisme c’est aussi l’intensification des crises, mais d’abord, d’où viennent ces crises, que le monde subit toutes les quelques années? Nous voyons qu’il y a une contradiction entre la bourgeoisie, qui fait tout ce qui est possible pour s’accaparer des profits, et le prolétariat dont le salaire est poussé vers le bas que cela soit directement ou indirectement par la hausse des prix. De manière cyclique cela mène à une crise de «surproduction», on a fabriqué trop de biens par rapport à ce que le peuple peut acheter. C’est seulement une surproduction relative, car en réalité tous ces biens pourraient être utiles aux masses, mais elles n’ont justes pas les moyens de se les offrir. La bourgeoisie essaye de résoudre cette crise en trouvant de nouveaux marchés ou en détruisant simplement les marchandises. Mais ça ne peut pas résoudre véritablement la crise, cela ne fait que préparer les conditions pour une crise plus grande encore à venir.

Caricature de l’impérialisme français et de sa politique monétaire en Afrique

Aujourd’hui, à l’époque du pourrissement de l’impérialisme, ces crises sont devenues synonymes du monde dans lequel nous vivons. C’est une véritable crise générale de l’impérialisme qui se déploie. Dans le capital financier, il y a toutes les crises financières récurrentes, par exemple 2008-2009, mais aussi 2020-2021. Dans le capital bureaucratique, il y a toutes les crises bancaires, faillites d’États, trous de la dette… qui sont si récurrents en Afrique, Asie, Amérique Latine etc. C’est sans compter sur les aspects environnementaux, sociaux, politiques et autres de cette crise, qui font que notre monde est agité par de nombreuses guerres injustes, régimes réactionnaires…

Les différents économistes bourgeois nous racontent que les crises sont conjoncturelles, qu’elles peuvent être évitées par des moyens tels que des investissements de l’État dans l’économie, des aides, des suppressions de cotisations, etc. Mais tous ces moyens sont voués à l’échec, car la crise du capitalisme est structurelle et ne peut être empêchée qu’en brisant la propriété privée de la production.

La crise que nous traversons n’est pas une fatalité. Les masses s’organisent pour leur survie face aux catastrophes, luttent pour leurs droits, en conquièrent de nouveaux et assument de porter leur libération partout dans le monde au beau milieu du chaos impérialiste. Cela est prouvé par les innombrables mouvements de masse et de solidarité spontanée (Gilets Jaunes, Colombie [voir ce numéro], Black Lives Matter…), les luttes de libération nationale (Palestine par exemple) et avant tout les guerres populaires, dont nous donnons toutes les actualités dans la section «Le Chemin du Pouvoir».

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