Les Olympiades de Jacques Audiard : portrait ambigu d’une jeunesse déclassée

La dalles des Olympiades, située dans le XIIIème arrondissement de Paris frappe par sa singularité. C’est un ilot prolétarien de 25 000 m2 au milieu de la très embourgeoisée rive gauche de Paris. Elle est au cœur de nombreux projets de gentrification et de transformation préparés par la Mairie socialiste d’Anne Hidalgo.

C’est a priori un théâtre surprenant pour filmer des histoires d’amour et de sexe. Un premier regard sur la communication entourant le film « Les Olympiades » pourrait faire penser à une banale apologie de la libération sexuelle. Au contraire, on pourrait croire à un regard réactionnaire sur une jeunesse trop délurée au goût des moralistes, comparée à une rectitude morale fantasmée des classes populaires du siècle dernier.

Si certains de ces défauts subsistent, le film se révèle bien plus subtil que cela. Notamment (il n’est probablement pas interdit de le penser) grâce au scénario de la réalisatrice et scénariste féministe Céline Sciamma.

Si le film traite indéniablement de sexualité, ce n’est pas un film sur le sexe et encore moins un film érotique. C’est avant tout un film sur une partie de la jeunesse très bien située socialement. Une jeunesse issue du prolétariat immigré qui tente de s’extirper de leur classe, au milieu de cet immense et insalubre complexe HLM situé près de l’université Paris I. Souvent en vain.

Il y a le personnage d’Émilie, qui s’installe à Paris pour faire Sciences Po. Elle a finalement plaqué ses études pour devenir téléconseillère et vit aux crochets de sa famille taïwanaise. Camille est un apprenti professeur issu d’une famille d’origine africaine. Il tente avec de moins en moins d’espoir de passer l’agreg’. Il voit ses élèves échouer les uns après les autres à la farce bourgeoise de la « méritocratie républicaine », dont il a été un des rares bénéficiaire. Enfin, il y a Norah, qui reprend ses études après 15 ans de travail de bureau et est forcée d’abandonner après un harcèlement misogyne massif très bien mis en scène.

C’est dans ce contexte là que les liens, sexuels, amicaux et amoureux entre ces personnages vont naître. Le sexe est représenté avec réalisme mais sans aucune vulgarité, parfois raté, parfois beau, mais avec des lendemains amers. Il semble toujours être là pour combler une solitude oppressante que l’on ressent peser sur chacun de ces personnages perdus dans l’incertitude de leur avenir, soumis aux jugements de leurs familles qu’ils ont peur de décevoir. C’est de cette perdition sociale que naît leur perdition sentimentale et sexuelle.

De plus, si on peut déplorer dans la première partie du film un regard fortement masculin et hétérosexuel, centré sur le personnage de Camille, celui-ci sera ensuite critiqué par le film. Orgueilleux, il rabaisse les femmes qu’il fréquente, sa propre sœur compris, et est toujours représenté comme ayant l’ascendant sur elles. Par ailleurs, il s’agit du seul des personnages à appartenir (en sursis certes) à la petite bourgeoisie. C’est particulièrement ici que la plume de Céline Sciamma se fait ressentir. En effet, le personnage de Norah, après une relation ratée avec l’unique personnage masculin, finit en réalité par briser sa solitude en liant une forte amitié avec Louise, la prostituée avec laquelle ses harceleurs l’avaient confondue. Elle tombe finalement amoureuse d’elle. Elle découvre par la même occasion son homosexualité. La critique du patriarcat et des oppressions perpétuées au sein des rapports hétérosexuels n’est donc en rien évacuée.

Ce film est-il pour autant un brûlot révolutionnaire ? Pas le moins du monde. On regrettera notamment une caméra très intimiste, préférant les huis clos et ne montrant que très peu du cadre urbain dans lequel ses personnages existent et évoluent. On notera un regard parfois très masculin malgré tout et peu de représentation de la lutte de classe à l’exception d’une violente scène de licenciement. Toutefois, il a le mérite de représenter, avec un réalisme subtil et une touchante sensibilité, des situations très banales que traversent une partie de la jeunesse de notre classe. Dans un paysage cinématographique où l’attention sur la vie sexuelle et sentimentale est presque entièrement focalisée sur la petite et la grande bourgeoisie, cela apporte un point de vue de classe et une certaine forme d’empathie qui manque d’habitude à ce style de cinéma.

Si cela n’en fait pas un film communiste, il a au moins le mérite de nous rappeler que, en amour comme en sexe, la politique n’est pas absente. Là aussi, notre classe sociale et notre condition imposée par le capitalisme nous poursuit comme elle le fait partout. Il est une bonne occasion de rappeler que le communisme n’est pas qu’une histoire de nationalisation d’usines. Il a aussi, comme le soulevait la camarade Alexandra Kollontaï, pour projet d’abolir l’état actuel des choses dans ce domaine. Afin de donner à l’Humanité de nouvelle manière d’Aimer, émancipées du patriarcat, du genre et des contraintes du capitalisme.

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