Sur la free party (la fête libre)

Cet article nous a été transmis par un camarade soutien de la Cause du Peuple. Son sujet (la free party) mérite d’être analysé pour bien comprendre notre rapport au divertissement, à la lutte contre la drogue etc.

Les actrices et les acteurs de la fête libre

Les free party sont des fêtes clandestines qui regroupent en grande majorité des prolétaires. Les fêtards participent à ces regroupements pour plusieurs raisons : refus des fêtes traditionnelles que la bourgeoisie propose, l’envie de se défouler après une semaine de travail harassante, le coût de la soirée peu élevé, une plus grande facilité de consommer des drogues sans avoir à se cacher, une impression de se retrouver et d’appartenir à un groupe social. La taille de ces fêtes varie énormément entre la vingtaine de participants et un grand teknival pouvant accueillir plusieurs dizaines de milliers de participants.

Les fêtards souhaitant organiser une « teuf » se regroupent en collectif, association, ou dans des regroupements de collectifs partageant les mêmes valeurs, les mêmes envies. Ces collectifs sont appelés Sound System. Plusieurs tâches sont attribuées aux organisateurs : l’entretien du matériel, la création et l’installation de décors, les graphistes, les ingénieurs sons et lumières, les DJ… Lorsque la fête nécessite plus de main d’œuvre, les sound system peuvent faire appel à des bénévoles pour aider au bon déroulement de la fête (gérer le parking, le bar, le montage de la scène…).

Les teufs se passent dans des usines désaffectées, des hangars, sur des DFCI ou dans des champs squattés ou loués pour l’occasion, de préférence loin des habitations pour éviter de déranger le voisinage. Les informations principales sont communiquées à l’aide de flyers. Le lieu de la soirée est communiqué à la dernière minute pour éviter que la police empêche l’installation du sound system. Le trajet pour aller à la teuf se nomme une « info » qui est laissée sur une messagerie vocale. Le numéro de la messagerie est distribué avec le flyer, ou par le bouche à oreille. En arrivant sur la teuf, on croise une partie du sound system qui s’occupe de récupérer la donation avant de nous indiquer au mieux comment se garer pour laisser la route libre d’accès pour les secours. La donation sert à rembourser en partie l’argent que le sound system a investi pour organiser la soirée. La fête peut durer plusieurs jours d’affilés mais aussi être raccourcie. Les musiques techno sont dominantes mais il existe certaines soirées avec des scènes « alternatives » avec des concerts de punk, rap, metal, chanson, théâtre de rue…

                La répression de l’Etat français contre les fêtes libres

L’Etat français s’est armé de tout un arsenal législatif pour pouvoir réprimer les organisateurs ET les participantes et participantes.

_ Le tapage nocturne (article R623-2 du code pénal)

_ L’activité professionnelle dissimulée (article L8221-1 et L8224-1 du code du travail)

_ L’abandon des déchets et d’ordures (article R633-6 du code pénal)

_ L’entrée par effraction avec dégradation du bien d’autrui (articles 132-72, 322-1 al1, 322-3 5° du code pénal)

_ La mise en danger de la vie d’autrui (article 223-1 du code pénal)

_ La facilitation du trafic de stupéfiants (article 222-37 du code pénal)

_ Le délit d’agression sonore (article 222-16 du code pénal)

La loi impose aussi de déclarer à la préfecture les free party rassemblant plus de 500 personnes (contre 1000 pour les festivals qui ne passent pas de techno) au risque de s’exposer à des amendes et des saisies de matériel. Les participants risquent une amende de 135€ pour s’être garés à un endroit non autorisé. Même lorsque la fête regroupe beaucoup moins que 500 personnes, il peut y avoir une saisie illégale de matériel (et bien souvent destruction avant que justice ne puisse leur être accordée).

Lorsque la police intervient, la fête peut se passer correctement avec un simple contrôle routier à la sortie, mais ça peut aussi être très violent. Gaz lacrymogène, coups de matraque, grenade de désencerclement, tirs de LBD (lanceurs de balles de défense) face aux jets de canettes comme réplique à la violence subit. Récemment, un jeune est mort suite à une charge policière.

Les médias à la botte de l’Etat réactionnaire bourgeois dépeignent ces fêtes de différentes façons : soit des gentils danseurs marginaux, soit des troupes de sauvages et dangereux toxicomanes.

                La résistance des « teuffeuses et teuffeurs » face à l’Etat français et leurs actions politiques

La free party ne restent pas les bras croisés face aux injustices que les capitalistes créent et entretiennent. Lorsque les accès à une fête sont bloqués par la police, les participants chercheront coûte que coûte un passage qui aurait été oublié, voir créer un chemin avec leurs outils de travail. Certains fêtards essaient de se mettre entre la police et le matériel pour laisser le temps au sound system de tout ranger et d’éviter la saisie.

Des manifestations sont souvent organisées sur tout le territoire de l’Etat français pour la restitution de leur matériel, pour la fin des saisies, pour la mise en place d’une législation adaptée à leur pratique festive ainsi que des actions plus « rentre dedans » pour libérer des fêtards en garde à vue.

Des fêtes solidaires son organisées pour venir en aide financièrement à un ou des sound system qui subissent des procédures judiciaires. Ces fêtes sont appelées des « benefit party ». Un prix d’entrée est ici imposé (entre 5 et 10 euros par personne)

Des teufs et teknival sont régulièrement organisées pour dénoncer la répression et l’absence de dialogue avec l’Etat. (les teknivals fonctionnent comme les teufs, mais regroupent des dizaines de sound system pouvant venir d’autres Etats)

Le samedi 18 mai 2019 se tenait la seconde édition de la Journée de la Teuf à Paris. Une manifestation voulant défendre la fête libre avec une autorisation préfectorale fut perturbée par une saisie de matériel sonore.

Les actions politiques des actrices et des acteurs sont très majoritairement humanitaires. Des soirées sont organisées au bénéfice de différentes associations caritatives, comme le secours populaire. La donation monétaire peut être remplacé par une récolte de produits de première nécessité. L’argent récoltée lors des donations peut aussi être reversée pour l’organisation de voyages humanitaires, la création et le travail au sein d’association de réduction des risques liés aux pratiques festives, ou la création et l’entretient de cantines pour les réfugiés.

Certaines soirées sont organisées en soutient à des luttes sociales (lors des manifestations contre la loi travail, sur le site de la Zone à Défendre de Notre-Dame-Des-Landes ou plus récemment sur des ronds points ou blocages tenus par les Gilets Jaunes).

La free party et les drogues

Les sound system ont pris la décision de ne pas réprimer la consommation de drogue, mais de prioriser la réduction des risques liées à ces comportements en faisant appel à des associations de réduction des risque (RDR). Des dépliants sur les différents types de drogues sont disponibles, sur la consommation d’alcool ou encore sur les risques des pratiques sexuelles non protégées. Des préservatifs, du papier pour éviter d’utiliser les billets ou encore des bouchons anti bruits peuvent être distribués sur le stand. Lors de grands rassemblements, des secouristes peuvent être présent pour parer à d’éventuels accidents Les associations de RDR ne sont pas assez nombreuses et manquent de moyens pour être présentes sur toutes les fêtes. Du fait de voir les effets des drogues partout, une normalisation de ces comportements peut s’installer, normalisation qui nuit énormément au travail des associations de RDR. Pour beaucoup d’acteurs et d’actrices de ce milieu, la drogue est le frein principal qui permet à l’Etat de réprimer leurs soirées. Ils essaient donc de donner une image plus douce, idéalisée pour gagner la possibilité de faire leurs fêtes, de paraître légitimes. Des consignes sont parfois demandées dans les infos incitant aux dealers de ne pas venir.

Contre les règles de la bourgeoisie, les fêtes et teknivals organisés directement sont une manière de se réapproprier la culture et l’art. Il ne faut pas lisser l’image des free party mais montrer leur réalité, dans tous ses aspects. Il faut renvoyer les bourgeois à leur responsabilité, car ce sont bien eux les coupables. Coupables de mettre le prolétariat dans une situation où certains n’ont pas d’autres choix pour survivre que de se mettre à la vente de drogues, où d’autres consomment ces drogues pour supporter une vie indigne. Nous luttons contre les comportements toxiques et destructeurs au sein de notre classe, car ils sont des attaques de la bourgeoisie. C’est aussi la bourgeoisie qui s’appuie sur les mafias pour briser les mouvements sociaux. C’est cette même bourgeoisie qui empêche les sound system de travailler en toute légalité. Nous ne soutenons pas de « sous-culture ». La free party a beaucoup travaillé pour sortir de l’entre soi du début des années 2000, en proposant différents genres musicaux, en créant des fêtes variées avec de somptueuses scènes tout en gardant son indépendance aux partenariats économiques et culturel. La fête par les prolétaires, pour les prolétaires. Dans l’art et la fête comme dans le reste, il n’y a que par la révolution que le prolétariat pourra enfin s’organiser comme il le souhaite. « Sans le pouvoir, tout n’est qu’illusion. »

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