Comment le pouvoir bourgeois réprime les mobilisations populaires

Mardi 28 Janvier avait lieu au Lieu-dit (Ménilmontant) une conférence de Julien Talpin, sociologue et Youcef Brakni, membre du comité Vérité et Justice Adama. La Cause du Peuple s’y est rendue pour vous.

Dans son livre  Bâillonner les quartiers. Comment le pouvoir réprime les mobilisations populaires, le sociologue Julien Talpin étudie les différents modes de la répression contre les acteurs qui se bougent dans les quartiers populaires. Les militants qui décident de s’organiser contre le racisme, la pauvreté et  l’isolement subissent en plus une répression particulièrement poussée de la part des structures de l’État. Cette répression a une multiplicité de formes, qu’il convient de mieux appréhender pour mieux la combattre. Elle s’intègre à la fois dans les violences spécifiques, mais surtout dans les violences ordinaires de la part du pouvoir. Cette stratégie de répression a été analysée par Julien Talpin comme suivant 4 grandes tactiques.

La criminalisation, ou répression policière et judiciaire.  La répression policière passe par une violence physique qui vise à créer une pression directe sur ceux qui se bougent (contrôles, pressions physiques, PV, amendes, GAV, voire mutilations ou assassinats…). La répression judiciaire est plus pernicieuse : c’est un travail d’épuisement par l’acharnement (« procès-baillons » en diffamation ou en outrage et rébellion instances du pouvoir : mairies, commissariats, voir ministère de l’Intérieur). Son but : décourager les militants en les harcelant sur les plans physiques, financiers et psychologiques. C’est ce qui arrive à la famille d’Adama Traoré, tué par les gendarmes de Beaumont-sur-Oise le 19 Juillet 2016, qui a vu trois de ses frères envoyés en prison quand ceux-ci se révoltaient contre l’assassinat d’Adama, et dont la sœur, Assa, figure du combat des quartiers populaires, est visée par une plainte en diffamation émanant du ministère de l’Intérieur. Cette tactique participe à la stigmatisation des quartiers populaires, toujours associés dans les médias à la criminalité.

La répression « matérielle » passe elle par les organes du pouvoir à l’échelle locale (mairies, maisons de quartier etc.). Il s’agit de la coupe du soutien matériel à ces associations (salles, subventions, contrats etc.), très souvent invisible mais cruciale dans la capacité de mobilisation d’une association. Dès que celles-ci deviennent trop virulentes, trop critiques du racisme, de la police ou du pouvoir, les mairies qui contrôlent les finances au niveau local de manière totalement arbitraire coupent leurs aides, précarisant ainsi les luttes politiques. Cette tactique de répression pose la question de l’autonomie financière vis-à-vis des structures du pouvoir : l’autonomie politique dépend-elle de celle-ci? Ou est-ce que tout argent ne serait pas bon pour financer l’anti-répression, les dépenses concrètes pour mobiliser les masses (tracts, affiches), voir défrayer les militants les plus investis afin d’organiser de meilleurs suivis des luttes ?

 La cooptation par les structures républicaines apparaît comme paradoxalement une forme de répression. Si dans les apparences elle semble « intégrer » les militants des quartiers populaires à travers la démocratie participative, elle permet en réalité pour le pouvoir en place de noyauter, de museler celle-ci quand bon lui semble. Également, elle permettent de délégitimer l’aspect conflictuel des luttes, et de créer des divisions entre « bons » militants, au service du pouvoir en place, et « mauvais » militants révolutionnaires.

La disqualification. « Communautaires », « islamistes », « agents de l’étranger », « antisémites » : les militants racisés des quartiers populaires sont bien trop souvent visés par ces sobriquets fallacieux de la part de l’extrême-droite, mais aussi de la gauche institutionnelle qui dirige des mairies en banlieue. Cette tactique vise à toucher leur capacité de mobilisation et donc à isoler les militants au sein de la population, mais aussi au sein de la gauche. Mais elle participe surtout à la stigmatisation des populations des quartiers populaires, désignées comme communautaires, voir identitaires et donc en déficit légitimité pour s’exprimer. Les mairies de gauche (PS, PCF, LFI, EELV) ne sont pas exemptes de racisme, on l’a vu dans des mobilisations contre des épiceries halal menées par le PCF à Bagnolet, ou par la disqualification du Comité Adama par le titre « d’islamistes » par Alexis Corbières (LFI).

Ainsi, les quartiers populaires apparaissent comme des laboratoires spécifiques d’expérimentation des tactiques de répression contre les militants ,mises en place sans une stratégie coordonnée mais plutôt comme une accumulation de petites stratégies locales et individuelles de la part de tous les échelons du pouvoir ; s’articulant en tactiques polyvalentes qui permettent d’isoler et de décourager tout discours critique au sein du prolétariat. Il faut donc dénoncer ces méthodes en les rendant visibles. En effet, si l’angoisse du pouvoir est la politisation des quartiers, celle-ci doit devenir notre lutte principale. Transformer le potentiel insurrectionnel des quartiers populaires, principalement des banlieues -bien démontré en 2005- en potentiel révolutionnaire doit devenir notre cheval de bataille !

Dans les usines comme dans les quartiers, on a raison de se révolter !

Pour aller plus loin, nous vous recommandons :  Bâillonner les quartiers. Comment le pouvoir réprime les mobilisations populaires, de Julien Talpin, récemment paru aux Editions des Etaques.

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