L’Homme, les animaux, les épidémies

« Les gens pensent que les virus ont toujours existé, que les épidémies n’ont rien à voir avec l’état de la biodiversité ou le changement climatique. Pourtant, depuis quelques décennies, elles augmentent. Elles n’ont pas l’impact énorme du Covid­19, mais leur fréquence s’accélère. La majorité sont des zoonoses : des maladies produites par la transmission d’un agent pathogène entre animaux et humains. » Ce sont les paroles, pour Le Monde, de Philippe Grandcolas, spécialiste de l’évolution des faunes, directeur de recherche au CNRS. Le rapport entre l’humanité, la faune ou la flore, ont été modifiés par la production capitaliste, en particulier dans les pays dominés. L’épidémie de Covid-19 s’est développé depuis un marché de Wuhan, une immense métropole ou les buildings ultramodernes jouxtent des zones quasi-rurales. On y échange des produits marins, mais aussi de nombreux animaux, parfois braconnés, venus de toute la Chine et des pays du sud-est asiatique.

On y échange des produits marins, mais aussi de nombreux animaux, parfois braconnés

Le commerce d’animaux sauvages répond à la loi du profit : c’est ainsi que les autorités sont particulièrement laxistes et laissent faire de nombreux commerces illégaux, pour maintenir de nombreuses fillières. Elles répondent aussi à des demandes issues de croyances réactionnaires. C’est pour ce profit que « Nous envahissons les forêts tropicales et autres paysages sauvages, qui abritent tant d’espèces animales et végétales – et au sein de ces créatures, tant de virus inconnus. Nous coupons les arbres ; nous tuons les animaux ou les envoyons sur des marchés. Nous perturbons les écosystèmes et privons les virus de leurs hôtes naturels. Lorsque cela se produit, ils ont besoin d’un nouvel hôte. Souvent, cet hôte, c’est nous. » comme l’écrit David Quammen, journaliste scientifique américain. Lorsque les humains entrent en contact avec la biodiversité locale, chassée de son habitat naturel, le risque de transmission de pathogènes (dont les virus) est fort. « Le risque de contracter un pathogène est lié au danger microbiologique, associé à la diversité biologique et aux écosystèmes en général, mais aussi à l’exposition des populations et à leur vulnérabilité – sont ­elles pauvres ou bien nourries ? vaccinées ? ont ­elles accès aux soins ?… », précise Jean­-François Guégan pour Le Monde.

Nous perturbons les écosystèmes et privons les virus de leurs hôtes naturels

C’est un mode d’organisation semi-féodal : une grande partie de la population vit encore d’une subsistance journalière, dans les pays dominés. Certains se tournent alors vers le braconnage ou d’autres formes d’organisations mafieuses, souvent avec la complicité ou la neutralité bienveillante des pouvoirs publics. Après l’effondrement du socialisme en Chine, les masses populaires se sont appauvries violemment, et il faut désormais survivre au jour le jour. Mais il ne faut pas croire que l’épidémie à pour cause « l’arriération » fantasmée de certains pays et de certaines cultures : dans nos pays impérialistes, nous tuons, par exemple, des centaines de milliers de renards rien que dans les accidents de voitures. La chasse de masse, la coupe d’espaces de vie des animaux etc tue les prédateurs et les charognards, qui régulent normalement les populations et empêchent la transmission de pathogènes.

Un autre aspect du capitalisme avancé est la production de masse d’animaux pour la consommation. Plutôt que de développer une allimentation équilibrée basée sur une agriculture principalement de proximité, autonome, indépendante et démocratique, les capitalistes utilisent la viande comme outil de développement. D’abord, cette viande est produite dans un cadre d’intensification du travail et de la production. Pour faire simple : toujours plus d’animaux au mètre carré, toujours moins d’ouvriers pour s’en occuper. Ensuite, cette viande est de très mauvaise qualité : les animaux sont nourris d’aliments transformés, venus de l’autre bout du monde, transportés d’un bout à l’autre de la planète. La viande est présentée comme symbole de la richesse. Même en France, manger du bœuf est un symbole de richesse, de « réussite ». Pourtant, cette production intensive provoque de nombreuses épidémies, permet la transmission de virus ou d’autres pathogènes de l’animal à l’homme. Les exemples sont nombreux, à commencer par la « vache folle » ou les grippes aviaires et porcines, parfois très dangereuses

Les animaux sont transportés d’un bout à l’autre de la planète

Les épidémies ne sont pas quelque chose de naturel. A une époque où l’homme à développé des vaccins, des antibiotiques et des traitements, et où la production est si haute, les épidémies peuvent être régulés par des mesures scientifiques et sociales. Mais tant la loi du profit que la proximité malsaine de l’homme et de la nature, des animaux chassés de leurs habitats naturels ou parqués dans des élevages de masses, provoquent une recrudescence des épidémies. Tant que nous vivrons sous le capitalisme, tant que nous ne remettrons pas en question la façon dont l’homme interagit avec la nature, alors nous serons confrontés à de très nombreuses épidémies.

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