Jacqueline Sauvage, coupable de s’être défendue

Le 23 juillet, Jacqueline Sauvage décédait, à seulement 72 ans. Elle avait été depuis 2012 au cœur d’un long combat contre la justice bourgeoise, après avoir tué son mari avec un fusil de chasse. Si l’acte est accompli de sang froid, il ne fait aucun doute qu’il s’agissait de se défendre, car Jacqueline Sauvage vivait depuis 47 ans avec un mari tortionnaire, ultra violent, qui la frappait régulièrement et violait leurs enfants. Le mouvement de masse qui avait eu lieu avait poussé François Hollande à gracier Jacqueline Sauvage.
Mais aujourd’hui, il semble y avoir un contre-feu. Suite aux mouvements de masse féministes et progressistes, la droite la plus réactionnaire cherche à regagner du terrain. Suite à son décès, toute une partie de la sphère réactionnaire a ressorti le venin craché contre une femme qui se défendait. Le site « vu du droit », en particulier, à sorti une tribune, « disparition de Jacqueline Sauvage, prosperité du mensonge ».

En effet, les réactionnaires ressortent plusieurs arguments principaux. D’abord, ils affirment qu’il s’agit d’un meurtre de sang froid, ce qui est hors la loi et donc doit être puni, ne pouvant être associé à de la légitime défense. Selon eux, elle aurait dû porter plainte, ce qu’elle n’a jamais fait. Ensuite, selon les réactionnaires, il n’y a pas de preuves matérielles des violences, seulement des témoignages, et certains seraient inventés. Enfin, toujours selon les réactionnaires, madame Sauvage a été condamnée suite à un procès « équitable » et « contradictoire ».

À cela, nous pouvons répondre que, d’abord, l’oppression ne s’arrête pas quand les coups s’arrêtent. Il est évident qu’une femme prenant le fusil contre un mari avec qui elle a vécu près d’un demi-siècle ne le fait pas par plaisir ou par simple « pétage de plombs ». Le procès a tenté de faire passer Jacqueline Sauvage pour une femme violente, dure, « pire que son mari », parfois. Il y a une négation totale du patriarcat. La violence de Norbert Marot était connue de tout le quartier, et le fait que sa femme soit une « grande gueule » et ne l’ai jamais quitté, voir n’ai jamais porté plainte, ne change rien à la réalité de la domination patriarcale. C’est un principe classique du sexisme : nier la violence contre la victime sous différents pretextes, pour en faire une coupable.

De plus, Jacqueline Sauvage était doublement opprimée : comme femme dans le couple et comme ouvrière dans l’entreprise de son mari. Une femme issue de la classe ouvrière rurale n’a pas pour habitude d’aller porter plainte chez les flics pour des violences conjugales (qu’elle a vécues dans son enfance également, donc qu’elles font parti de son envireonnement quotidien). De plus, il faut ajouter que porter plainte, dans le cas de Jacqueline Sauvage, cela signifiait attaquer en justice non seulement son mari, mais également son patron.

Ensuite, il est souvent dit que la violence n’est pas prouvée matériellement. Il s’agit d’un argument hypocrite de la part de juristes. La justice n’a pas commencé à exister avec les prélèvements ADN ou les arrêts maladies. La justice s’est toujours basée, principalement, sur les témoignages. Ici, ils sont unanimes sur la violence de Norbert Marot. Même si il y a pu avoir des changements avec la médiatisation de l’affaire, les violences contre les femmes sont toujours niées sans une libération de la parole et sans un travail politique. Que l’emballement du mouvement de masse en faveur d’une femme battue fasse changer certains témoignages n’est pas une preuve que ceux ci sont faux, bien au contraire !

Nous ne pouvons donc pas parler de procès « équitable » et « contradictoire » quand la réalité de l’oppression patriarcale, régissant le quotidien des couples, est oubliée. L’aspect central de l’affaire est mis de coté, et on prétend ensuite qu’elle est réglée. C’est un non sens. Les jurys, les juges, sont baignés dans le patriarcat, respectent une juridiction qui met sur un pied d’égalité une victime de violence et un agresseur, une femme battue et son mari, une employée et son patron. L’oppression est oubliée, pour faire d’un acte de légitime défense un « meurtre de sang froid ». Lorsqu’une opprimée se défend, elle n’a pas à attendre de se faire frapper pour avoir comme justification la légitime défense bourgeoise.

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