Economie politique de la « bagnole »

Pour les ouvriers et les ouvrières, la voiture est bien souvent indispensable. Sans voiture, on ne peut pas aller bosser. Et analyser l’économie politique de la voiture apporte de nombreux enseignements sur notre quotidien.

D’abord, le marxisme enseigne une réalité : l’ouvrier, le prolétaire mis au travail, est payé pour « reproduire sa force de travail ». Il peut y avoir des variations dans le prix de la force de travail suivant le niveau de l’offre et de la demande mais cela oscille toujours autour d’une valeur. [En fait, il faut le rappeler, la loi de l’offre et de la demande réalise la loi de la valeur.].

Premier enseignement : la force de travail, ce n’est pas juste manger et dormir

Et c’est là qu’on peut comprendre une chose : reproduire la force de travail, ce n’est pas juste reproduire la force des bras de l’ouvrier. C’est reproduire sa capacité, ou celle de son remplaçant, à revenir bosser pour l’entreprise.
Dans l’industrie (également le BTP et les secteurs de service de type industriel), il est rare de pouvoir utiliser le bus. Il faut utiliser la voiture. Et une voiture, c’est, en moyenne, 400 à 500€ par mois. Les ouvriers et ouvrières de l’industrie doivent s’éloigner des villes pour avoir accès à des logements corrects, donc doivent utiliser leur voiture. Entre les frais d’essene, d’assurance, de réparation… Celà coûte cher et cela doit donc nécessairement se répercuter sur le prix de la force de travail. Lorsque l’on travaille en usine, on peut gagner très rapidement 1500€. C’est finalement la valeur de la voiture qui se répercute dans la valeur de la force de travail. Mais il faudrait également ajouter à cela un coût collectif pour les capitalistes, toutes les primes à l’achat de voitures. Ce coût collectif pèse sur le prolétariat dans son ensemble. En moyenne, un couple ouvrier, sur 40 000€ de gain en une année, paye 14 000€ d’impôts et taxes. Une entreprise moyenne, 6000€ sur sur la même somme de bénéfice, après tous les cadeaux fiscaux. C’est bien le prolétariat sur lequel repose un partie du coût de la force de travail elle même !

En réalité, la valeur de la force de travail est la valeur de l’ensemble des marchandises nécessaires au fait qu’un ouvrier aille au boulot. Pas un en particulier mais bien l’ensemble. Il faut donc un certain nombre de prolétaires équipés de voitures pour pourvoir les besoins en main d’oeuvre.

Deuxième enseignement : l’Etat bourgeois est la forme collective de l’organisation capitaliste

On se demande pourquoi il n’y a pas de reseaux de transports en commun cohérents et efficaces pour aller travailler dans de nombreux secteurs. Pourtant, avant, il y avait bien des reseaux de bus importants : chaque grande usine avait son reseau de bus, par exemple.

C’est que, bien sûr, le marché de l’automobile est plus juteux. Lors des dernières décennies, les masses populaires se sont équipés de voiture. Il y a donc suffisament de main d’oeuvre équipée. L’Etat doit voir l’intérêt général de la bourgeoisie et non les intérêts particuliers. Il pouvait donc demander un effort à cette derniere pour supporter le coût du transport des travailleurs. Mais ce n’est plus nécessaire. Alors, le marché du transport collectif est privatisé petit à petit, détruit, déstructuré, au profit du marché privé et de l’automobile.

C’est un coût en moins pour les capitalistes, un marché en plus. Nous pouvois en tirer un second enseignement : l’Etat sert l’intérêt général des capitalistes et n’est pas un objet neutre « au dessus des classes » et temporairement « manipulé » dans le mauvais sens. Si il change, c’est en fonction des nécessités de la production et non à cause d’un changement d’idées de ceux qui le dirigent, comme le prétendent les réformistes de La France Insoumise.

Troisième enseignement : le marché ne se régule que dans le sens du profit

Beaucoup de théoriciens bourgeois et petits bourgeois l’expliquent : le marché, libre ou encadré par l’Etat (suivant les théories) est le meilleur moyen d’organisation pour la société. Chacun y met et y achète ce qu’il souhaite. Donc, le marché permet de produire le nécessaire à l’humanité, selon les besoins de chacun.

Or, c’est faux. Les logements sont construits loin des usines et des lieux de travail ; il faut donc des moyens de déplacement. Les masses sont forcés d’acheter la marchandise leur permettant d’aller travailler. Elles achètent donc une voiture, malgrè tous les coûts de celle ci, puisque le marché ne développe pas spontanément des lignes de bus et un amménagement planifié et organisé du territoire.

En fait, le marché ne va que dans le sens du profit ; seules les entreprises les plus profitables survivent, les autres coulent. Les lignes de bus les moins profitables, celles vers les zones les moins densément peuplées, sont vouées à disparaître, donc à être remplacées par la voiture. Ici, on voit bien la contradiction : le bus emploie moins de ressources, de temps de travail global pour déplacer plus d’humains. Il est moins couteux, plus écologique, plus reposant, (si il est bien construit et organisé) pour les usagers. Et pourtant, ce n’est pas lui qui l’emporte.

De la même façon, les infrastructures ferroviaires sont très peu rentables à court terme ; l’Etat ne les développe que quand le marché ne peut assurer lui même le déplacement des travailleurs. Les investissements sont trop lourd pour un profit trop faible : c’est voué à dépérir petit à petit (en tous cas, dans le cadre du transport de personnes).

Analyser l’économie politique de la voiture nous enseigne de nombreuses choses sur le quotidien et sur l’exploitation des masses populaires, détruit également certains mythes. Nous nous efforcerons, dans chaque numéro, d’explorer un aspect de notre quotidien et d’en tirer des leçons.

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