Récits prolétaires (1/3) : Romain, viré pour avoir refusé d’être traité comme un chien

Récits prolétaires (1/3) : Romain, viré pour avoir refusé d’être traité comme un chien

Ce mois-ci, la Cause du Peuple vous propose trois récits inédits. Ces textes ont été écrits pour raconter des histoires réelles qui se sont passées en France, au cours des derniers mois. Elles nous ont été racontées par des camarades lectrices et lecteurs de la Cause du Peuple. Le point commun de ces trois histoires, c’est de montrer la classe ouvrière qui relève la tête, conteste l’exploitation et se révolte. À travers les histoires de Louise, de Mamadou et de Romain (Noms anonymisés, les noms des entreprises ne sont également pas cités directement mais nous faisons confiance à votre déduction !), vous verrez qu’autour de nous, la résistance s’organise pour mettre la peur dans le camp des capitalistes et de leurs chiens de garde !

Romain, viré pour avoir refusé d’être traité comme un chien

Romain est chaudronnier dans une usine qui fabrique de grosses pièces en métal. Son travail est exigeant : il soude dans un grand atelier, toute la journée. L’hiver, les patrons ne chauffent même pas la salle : ils estiment que l’activité suffit à rester au chaud.

Dans la boîte de Romain, on ne rigole pas avec l’organisation ouvrière. L’entreprise ne compte que 49 salariés, pour éviter que ceux-ci n’aient plus de droits à partir du moment où le nombre dépasse les 50.

La patronne, qui s’implique dans les organisations patronales du coin, préfère payer des heures supps que d’embaucher ! Les ouvriers font 39h hebdo, et sont souvent à 42h obligatoires sur de longues durées, et incités à venir le samedi. Le syndicalisme est un tabou. Romain nous a confié que pour filer la Cause du Peuple à ses collègues, il attendait d’être au kebab à la pause.

Ça fait presque un an que Romain bosse là, d’abord en intérim, puis en CDI. La paye n’est pas terrible, à peine plus du SMIC, et les primes ne suivent pas. Mais c’est stable, ça paye les factures, et Romain aime le taf.

Un matin, Romain se fait embrouiller pour une télécommande qu’il aurait perdue. Son chef d’atelier lui dit d’aller bosser, tandis que le gardien de l’usine lui demande de chercher la télécommande.

C’est le lèche-bottes officiel, qui défend la propriété des patrons comme si c’était la sienne. Le pire, c’est qu’il n’est rien dans l’usine, même pas chef ! Il se permet de parler comme une merde aux gens, surtout aux jeunes et aux ouvriers, surtout aux noirs et aux arabes.

Romain fait ce qu’on lui dit, mais il commence à en avoir ras-le-bol du gardien. Toute la matinée passe, jusqu’à ce qu’avant la pause du midi, le gardien revienne à la charge. Là, c’en est trop pour Romain, il hausse le ton et demande au gardien d’arrêter de mal lui parler et de le menacer. Dans l’atelier, tout le monde s’arrête de bosser.

Finalement, c’est la pause. Deux des collègues, qui ont suivi l’affaire, rejoignent Romain et sont dégoûtés de la manière dont il a été traité. Ensemble, ils décident qu’à la reprise, ils se plaindront au chef d’atelier. Les autres ouvriers, soit en intérim, soit effrayés par la répression patronale, approuvent en silence ou ne s’impliquent pas.

À 3h, c’est le « débrayage ». Le chef arrive. Romain et les autres demandent que le gardien arrête de leur adresser la parole, qu’il traite mieux les ouvriers, et que les toilettes soient rouvertes (encore une « punition » du gardien pour les ouvriers !). Le chef cède. La télécommande refait surface.

Le lendemain, Romain arrive au travail et trouve qu’on lui a volé une de ses chaussures de sécurité, qu’il retrouve dans un autre casier que le sien. Le collègue qui a trouvé la télécommande lui assure qu’elle aussi a été déplacée… Le mystère s’épaissit.

Vers 9h30, la patronne demande à Romain de venir dans son bureau. C’était prévu avec ses collègues, ils n’avaient pas peur de la convocation.

Une fois dans le bureau, la patronne assène le coup à Romain. Elle s’en fiche de l’embrouille avec le gardien, mais le fait d’avoir organisé des collègues, elle ne peut pas l’accepter. Elle se sépare de Romain car il « menace la production ».

Comment peut-elle faire ça sans faute grave ? Elle donne à Romain tous les chiffres de ce qu’il pourrait obtenir aux prud’hommes, et lui propose une rupture conventionnelle. Elle n’a pas peur de cette méthode : deux des plus anciens ouvriers ont subi la même chose plus tôt dans l’année.

Cette patronne balance des dizaines de milliers d’euros par an pour virer les ouvriers combatifs ! Romain était un des plus productifs, ce qui prouve que la motivation de la patronne, c’était la répression capitaliste. Voilà l’argent de notre exploitation !

Dans les bureaux, la version officielle dira que Romain a été viré car il préparait une grève. Il a profité du reste de sa matinée pour faire le tour des ateliers. Tout le monde était fier de Romain chez les collègues. Ils sont tombés d’accord, dans cette boîte, c’est soit tu te révoltes et tu te casses, soit tu restes un chien.

Romain a décidé de relever la tête, la bourgeoisie a cru pouvoir lui mettre un coup, mais elle n’a fait que l’endurcir, lui et ses collègues, pour la prochaine lutte.

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