Mexique : Les cartels et autorités corrompues déclarent la guerre aux communautés paysannes

Mexique : Les cartels et autorités corrompues déclarent la guerre aux communautés paysannes

Il y a au Mexique une opposition de longue date entre les populations paysannes autochtones d’un côté, les investisseurs et l’État de l’autre, sur la propriété des terres agricoles. Celles-ci ont été acquises par les paysans au début du siècle dernier, sous forme de coopératives locales (Ejido). Les pouvoirs publics, en collusion avec les bourgeois mexicains, mettent alors en place des stratagèmes pour changer le régime de propriété de ces terres en truquant les votes des assemblées communautaires, jusqu’à « faire voter les morts », afin de valider les transferts de propriété des terres des communautés autochtones aux grands groupes ou pouvoirs publics. Actuellement, pour s’être opposé à ces vols de faits, une quinzaine de mandats d’arrêts sont en cours contre des têtes du mouvement paysans de l’isthme[1] de  Thuantepec, au sud du pays, ce que dénonce L’Assemblée des peuples autochtones.

Ce mois de février, une délégation du Haut-commissariat des nations unies au Mexique s’est rendue dans l’isthme suite à une série de violences visant des paysans, perpétrées par les autorités étatiques. Ces attaques se sont intensifiées après que les paysans aient expulsés les représentants de l’entreprise La Peninsular, qui avaient entrepris des travaux sur leurs terres sans le consentement de l’assemblée de la communauté. Cette entreprise est détenue par le millionnaire Hank Rhon, homme d’affaire et politicien controversé déjà accusé de deux meurtres. Suite à l’expulsion, l’État a envoyé les militaires intimider les paysans et retirer les blocages du chantier. Ils ont été « maîtrisés par l’occupation militaire » et « Il y a des points de contrôle tous les jours dans la zone d’accès », d’après l’Union des Communautés Indigènes de la Zone Nord de l’Isthme. À ce jour, ce sont 4 000 militaires de la marine qui sont déployés dans l’isthme pour assurer le contrôle et le harcèlement des populations autochtones rurales[2].

L’isthme de Tehuantepec est large d’environ 200 kilomètres. C’est la bande de terre continentale la plus étroite du Mexique. Un projet d’infrastructures de l’État cherche à relier l’Asie aux principaux ports des USA (Texas, Floride, New-York) et indirectement l’Europe via cet isthme. Plus de 2 milliards de dollars sont dédiés à ce projet, sous le nom de « corridor interocéanique de l’isthme de Tehuantepec » (CIIT), incluant la réalisation d’une ligne ferroviaire. Le projet est présenté par les autorités comme permettant de rattraper les « retards économique et sociaux » de la population, en réduisant de 5 jours le transit via le canal de Panama. Toutes sortes de crimes sont commis depuis contre les communautés s’opposant à ce projet, tels que la dépossession, l’extorsion, les menaces, les agressions et les homicides.

En septembre et octobre 2022, des terres de communautés opposées au projets ont été attaquées par des groupes armés lié à des cartels criminels, en collusion avec des politiciens corrompus. Lorsque la police est arrivée sur place, les victimes sont devenues les principales accusées et un paysan a été arrêté et admis à la prison de Tehuantepec pendant trois mois. Il est aujourd’hui assigné à domicile. Des scènes similaires ont eu lieues dans des communautés voisines, où un paysan a été assassiné par un commando armé, et un autre blessé, suivant toujours le même schéma suivant intérêts commun et alliance entre les pouvoirs publics et les cartels, puis violences visant les paysans insurgés contre la spoliation de leurs terres.

Le 29 janvier 2023, des individus armés à bord d’au moins 10 camions, sont entrés dans la communauté de Rincón Tagolaba. Ils ont détruit des tuyaux d’irrigation, des poteaux, des clôtures, des vergers et d’autres biens des familles paysannes, qui ont vécu 5 heures de terreur sous une pluie de coups de feu tirés par les paramilitaires. Malgré l’appel à l’aide des autorités, la réponse a été tardive et à leur arrivée les criminels étaient déjà partis, menacant de revenir. Suite à cet assaut, plus de 40 organisations de différentes régions du pays ont signé une déclaration de soutien aux communautés de Tehuantepec, dénonçant la collusion entre les groupes paramilitaires et les forces publiques : « La Garde nationale est arrivée sur les lieux après un long moment et, par coïncidence, les agresseurs se sont retirés quelques minutes auparavant, prenant tout le temps nécessaire pour ramasser les douilles, mais laissant les preuves des destructions et des incendies qu’ils ont provoqués contre la population. [Les coupables sont] devenus propriétaires terriens à cause de la violence et des paramilitaires, et ils opèrent aujourd’hui au service de groupes criminels, d’entreprises privées et de différents niveaux de gouvernement qui, d’une manière ou d’une autre, veulent imposer le corridor interocéanique de l’Isthme de Tehuantepec (CIIT). Pour cette raison, ils commettent toutes sortes de dépossessions des terres communales et des petites propriétés situées à côté des zones touchées par ce mégaprojet. […] Nous soulignons que face à ces attaques des groupes mercenaires et paramilitaires, et à la complicité de l’État, la réponse des peuples est l’organisation et la mobilisation combative. »[3]

Mobilisés contre les grands propriétaires et les cartels, les paysans mexicains affrontent indirectement les grands monopoles états-uniens. Derrière ces actes de guerre, c’est la rentabilité du commerce de la superpuissance US qui est en jeu, et encore une foi l’impérialisme qui se trouve à la source des maux des exploités. Contre l’impérialisme et ses alliés, vive la révolution mondiale !


[1] Bande de terre resserrée entre deux mers ou deux golfes et réunissant deux terres.

[2] Mexique : L’isthme de Tehuantepec attaqué, Blog du journal Mural, publié le 11 février 2023.

[3] Déclaration après l’attaque à Tehuantepec, publiée sur le blog Solrojista, le 1er février 2023.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *