Alam, portrait inachevé de la violence coloniale

Alam, portrait inachevé de la violence coloniale

« Alam », en arabe, c’est le drapeau. Comme le drapeau palestinien, qui sera au cœur de ce film sorti fin août, qui est le premier long-métrage de son réalisateur Firas Khoury.

 

On y suit la vie d’une bande d’ados palestiniens qui grandissent dans une petite ville en Israël. Le héros, Tamer, est scolarisé dans un lycée privé. De nature discrète, il est coincé entre son école qui le matraque avec un programme scolaire propagandiste pro-israélien et sa famille qui veut à tout prix s’intégrer et ne veut pas qu’il fasse de vagues. Mais comme n’importe quel adolescent, il tombe sous le charme d’une élève, une jeune fille qui vient d’arriver dans son lycée. Mayssa a la réputation d’être une rebelle, parce qu’elle aurait été virée de son ancienne école pour avoir défendu la cause palestinienne. En classe, elle crie « C’est un effacement de l’histoire ! » à propos du jour de la création de l’État colonial d’Israël, le 14 mai 1948, qui a déclenché la Nakba, l’exil forcé de 900 000 Palestiniens de leurs terres. Tamer veut lui plaire, alors il accepte de sortir de son confort. Pour elle, il se joint à une action politique symbolique, qui sera le fil conducteur du film. Lui et sa bande s’organisent : ils veulent enlever le drapeau israélien qui flotte au-dessus de leur école, et le remplacer par le drapeau palestinien, justement le 14 mai.

L’histoire d’amour en filigrane de l’intrigue n’est pas dérangeante, après tout c’est un film léger qui raconte le quotidien d’adolescents. Il faut le prendre comme tel, à la manière d’un teen movie. Par contre, tous ces ados font partie de la petite bourgeoisie palestinienne vivant en territoire israélien : Tamer, Mayssa et leur bande ont conscience que leur pays est occupé, mais cela n’a pas de vraies conséquences sur leur vie. On sent dans le film que leur vie est très occidentalisée : on suit leur vie au lycée, sur leurs téléphones, à fumer des joints… Il faut attendre la fin d’Alam pour que le héros se rende compte, réellement, de l’ampleur de la violence coloniale, à travers une scène de violence israélienne contre des Palestiniens.

On est loin des films qui traitent de la vie des Palestiniens dans la bande de Gaza, avec toute la cruauté coloniale que ça implique. C’est à la fois la force et la faiblesse de ce film : Firas Khoury nous montre une population dont on entend peu parler, cette petite bourgeoisie palestinienne qui tente pour partie de s’intégrer. Mais en même temps Alam échoue à montrer toute la violence de l’oppression israélienne, mis à part dans les 5 dernières minutes du film. On peut l’interpréter comme une volonté scénaristique de montrer l’insouciance de l’adolescence… Mais dans les faits, la scène est trop courte et ne compense pas la légèreté du traitement dans l’heure et demie qui précède. Le ratio est insuffisant et on en ressort avec la sensation que la cible est manquée. On constate à travers Alam toutes les limites des films militants sans point de vue de classe, même si on peut passer un bon moment devant et en tirer quelques points positifs.

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