Corse : Le Mouvement national, deux ans après les révoltes

Corse : Le Mouvement national, deux ans après les révoltes

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La Cause du peuple s’est entretenue avec le « Comitatu Di Ricustruzzione di u Partitu Cumunistu » – CRPC (Comité de reconstruction du parti communiste) – de Corse, organisation militant pour l’autodétermination et la révolution socialiste en Corse. Première République moderne d’Europe, la Corse est conquise et annexée par la France en 1768. En mars 2024, le gouvernement français et l’Assemblée de Corse adoptent un accord de projet de réforme pour officialiser une « autonomie » de l’île « au sein de la République », deux ans après une grande révolte populaire.

Il y a deux ans, le peuple corse se soulevait en masse contre l’État impérialiste français. Yvan Colonna, prisonnier politique du Mouvement national corse, était assassiné, roué de coups et étranglé par un codétenu, caméras coupées1. Dès l’annonce de l’agression, le 2 mars 2022, la révolte débute pour deux mois, aux cris de « Statu francese assassinu! » (État français assassin!). À Ajaccio, la préfecture est attaquée, le palais de justice est brûlé. L’île s’embrase, la quasi-totalité des lycées sont bloqués pour le mois, la jeunesse affronte courageusement la police, les cocktails molotov pleuvent face aux gaz lacrymogènes. C’est un soulèvement de masse inédit sur l’île.

En Corse, l’économie dépend largement des importations continentales et du tourisme, dans l’intérêt particulier des monopoles français qui conservent le marché insulaire. Ainsi, les salaires sont plus bas que sur le continent, mais le prix moyen des produits alimentaires est 14 % plus élevé. Il en est de même pour les frais de santé, l’accès à la culture, à l’éducation, etc. La Corse est reconnue comme « la région la plus pauvre de France » par les instituts statistiques gouvernementaux, avec 18 % de la population sous le seuil de pauvreté.

Le grand soulèvement de 2022 a été l’expression du « trop plein » du peuple corse face à l’injustice. Il a aussi été une leçon importante pour la jeunesse, qui n’a pas connu les guerres de clans qui ont miné le Mouvement national dans les années 1990, entre rixes fratricides et corruptions opportunistes. Ici, en deux mois de révoltes, le Mouvement national obtient plus qu’en 20 ans de lutte électorale : rapatriement de prisonniers politiques sur l’île et engagement de l’État sur l’autonomie. L’État français a pris peur et la jeunesse corse a eu raison de se révolter.

Encore une fois, ce sont les fractions dirigeantes de la bourgeoisie corse qui ont torpillé la révolte en appelant au calme, assurant gagner l’autonomie. Les liens entre la majorité électorale corse et le parti présidentiel français ne sont plus à prouver, tant le clientélisme suinte à l’approche des élections présidentielles. Seulement, la combativité ne faiblit pas et la révolte a laissé des marques sur l’opinion corse. Le FLNC2, qui avait menacé d’une reprise de la lutte armée en mars 2022, passe à l’action en revendiquant 17 attaques le jour anniversaire de la mort de Colonna ; puis, dans la « nuit bleue » du 9 octobre 2023, il revendique une série d’explosions dans 16 communes, visant principalement des résistances secondaires de bourgeois français.

En janvier 2024, un communiqué de la Jeunesse communiste annonce la « refondation » du mouvement révolutionnaire de Corse, avec notamment la création du Comité de reconstruction du parti communiste (CRPC). Depuis deux ans, la lutte nationale a résonné avec la lutte de classes dirigée contre les réformes réactionnaires de l’État impérialiste français. Les fractions bourgeoises du Mouvement national ont ainsi ignoré les grandes grèves contre la réforme des retraites l’année précédente. Le CRPC est ainsi la seule organisation à tracer le chemin de la révolution, liant Mouvement national et combat de la classe ouvrière. Ils dénoncent le récent accord de projet d’autonomie comme une forme de « déresponsabilisation légale » de l’État face à la revendication démocratique basique du peuple corse, qui ne réglera pas le problème de l’oppression du peuple.

1Yvan Colonna, militant indépendantiste, a été condamné à la prison à perpétuité, jugé coupable de l’assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998 – accusations qu’il a toujours réfuté. Avant son procès, le futur président Nicolas Sarkozy l’avait déjà désigné coupable publiquement, par opportunisme électoral. Son assassin, Franck Elong Abé, a déclaré avoir agit manipulé, contre la promesse d’une grosse somme d’argent les services secrets français.

2Les deux « branches » actives du Front de Libération National Corse historique sont aujourd’hui le « FLNC UC » pour Union des Combattants, et le « FLNC du 22 octobre », revendiquant ensemble ces actions violentes.

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